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AGENDA DU PREMIER SEMESTRE 2024

La section PCF Chablais vous invite et vous appelle à participer le plus nombreux possible à ces initiatives souvent proposées par plusieurs...

samedi 29 septembre 2018

Transports gratuits dans le Chablais

Bonjour à tous,

Les députés communistes ont déposé le 19 septembre une proposition de loi visant à atteindre la gratuité des transports urbains. Compte-tenu des propositions que nous avons pu faire dans le Chablais lors des élections municipales et départementales, il me paraîtrait intéressant que nous nous servions de cette proposition pour relancer le débat dans notre territoire.

Michel V


Encourager la gratuité des transports collectifs 
urbains et périurbains : 
proposition de loi



EXPOSE DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis le milieu du XXe siècle, l’urbanisation a accompagné le développement de l’automobile comme moyen de déplacement privilégié. Les conséquences de ce fait de société sont multiples : un espace public urbain largement dévolu à la voiture en circulation et à l’arrêt, des décennies de croissance du trafic routier, un impact majeur sur la qualité de l’air, un déclin de l’attractivité des centres-villes au profit d’espaces commerciaux et de services à la périphérie, de nouvelles inégalités d’accès à la ville.

Depuis les années 1980, la prise de conscience des enjeux environnementaux, climatiques et sanitaires liés à l’explosion du trafic routier remet profondément en cause un modèle basé sur l’exclusivité de l’automobile. Cette prise de conscience conduit à proposer de nouvelles formes d’organisation des déplacements, avec une place centrale des transports collectifs. La mobilité propre et durable est un enjeu d’avenir mondial, dans toutes les agglomérations.

Le transport en commun, un outil essentiel de la lutte contre le réchauffement climatique et de santé publique


Les conclusions des travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) démontrent l’intensification du dérèglement climatique due aux activités humaines avec la croissance des émissions de gaz à effet de serre. Le transport est responsable de 23 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial, 26 % au niveau de l’Union européenne et 29 % en France, dont 90 % imputables au trafic routier.

La transformation de nos économies et de nos sociétés pour un monde décarboné est aujourd’hui un impératif. A ce titre, alors que 80 % des Français vivent en zone urbaine, les transports collectifs urbains constituent un moyen déterminant de la lutte contre le dérèglement climatique. La réduction du volume de circulation automobile passe aujourd’hui par l’amélioration des infrastructures et des services de transport public. Mais une nouvelle étape est nécessaire pour favoriser un report modal massif de la voiture vers le transport en commun, seul capable de répondre au défi climatique.

Les transports collectifs urbains sont aussi un enjeu de santé publique Plus de neuf personnes sur dix à travers le monde respirent un air ambiant trop pollué. Des millions de personnes décèdent de maladies causées par la pollution de l’air. La pollution, responsable d’un décès sur 10, était ainsi le quatrième facteur de décès en 2013, derrière les risques métaboliques, les risques alimentaires et la fumée de tabac. 10 millions de personnes seraient exposées à des niveaux de bruit supérieurs à 65 dBA en façade, dont 3 millions à des niveaux supérieurs à 70. Le bruit est essentiellement dû au trafic routier. La pollution a également un coût financier : 225 milliards de dollars à l’échelle de la planète correspondant aux pertes en revenus du travail liées aux décès prématurés et aux dépenses médicales.

En France, la pollution cause 48 000 décès par an, soit 9 % de la mortalité nationale. En 2015, un rapport du Sénat, fait au nom de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, estimait même le coût annuel à plus de 100 milliards d’euros par an. A l’horizon 2060, la pollution pourrait coûter 1% du PIB mondial selon de récentes projections de l’OCDE. L’organisme chiffre ce coût à 2600 milliards de dollars annuel, notamment en raison de l’explosion des frais de santé et du nombre de jours de congé maladie.

Les mesures permettant d’augmenter significativement la fréquentation des transports collectifs urbains sont donc aussi un investissement pour la santé. Elles peuvent éviter sur le long terme à la collectivité des coûts financiers importants liés à la pollution. Le rapport du 15 juillet 2015 de la Commission d’enquête sénatoriale sur le sujet dresse d’ailleurs un constat sans appel : réduction du stress, de l’anxiété, des affections respiratoires et des accidents, tels seraient les premiers bénéfices à court terme des transports publics.

La gratuité de l’accès aux transports en commun, un nouveau droit L’inscription d’un véritable droit au transport comme droit garanti figure dans la loi d’orientation sur les transports intérieurs de 1982, loi fondamentale d’organisation des services publics de transport en France. Mais ce droit est limité par le coût que paye l’usager. La gratuité des transports rend effectif ce droit et permet ainsi une extension nouvelle de la citoyenneté en réunissant le droit et l’accomplissement du droit.

Il existe deux concepts de gratuité : une gratuité d’accompagnement pour les usagers les plus modestes et une gratuité « d’émancipation ». La gratuité des transports s’inscrit dans cette vision émancipatrice qui permet de s’affranchir de la loi du marché.

La gratuité des transports en commun est un enjeu social

En rendant du pouvoir d’achat aux usagers et à leurs familles, la gratuité est aussi un enjeu économique, notamment en matière de redynamisation des commerces et des centres-villes. La gratuité des transports en commun peut aussi être un outil de mixité sociale. En rendant l’accès au transport en commun gratuit, on transforme le transport public en espace public ouvert à toutes et tous. A l’instar d’une place publique, chacune, chacun, se trouve à égalité dans un espace où les rapports marchands sont abolis, où l’égalité d’accès est garantie par la gratuité des transports en commun.

La gratuité des transports en commun comme alternative à l’automobile Outil indispensable de la mobilité, la voiture crée des difficultés importantes en milieu urbain en termes de congestion, de pollution de l’air et de pollution sonore.

La gratuité des transports en commun représente une nouvelle étape fondamentale pour le développement du transport collectif urbain pour diminuer la circulation automobile, la pollution sonore et de l’air. Car le mode de transport n’impacte pas seulement celui qui se déplace mais a aussi des conséquences sur l’ensemble de la population, sur l’environnement, la qualité de vie d’un territoire. La gratuité des transports en commun permet également l’accès de toutes et tous à « toute la ville » et crée ainsi un nouveau droit à la ville, non lié aux moyens financiers pour se déplacer.

Outil de transformation de la ville, l’accès libre et gratuit au transport en commun permet de diminuer la place de la voiture au profit de nouveaux espaces publics, qui peuvent être dédiés aux transports collectifs, aux piétons, aux cyclistes.

Des collectivités aux initiatives exemplaires et aux résultats remarquables


A l’image de l’agglomération de Niort ou de la Communauté urbaine de Dunkerque, ce sont au total 31 collectivités françaises qui ont mis en place ou expérimenté une gratuité totale ou partielle.

A Châteauroux Métropole, agglomération de taille moyenne avec 75 000 habitants, la gratuité est effective depuis décembre 2001. La progression de la fréquentation a été spectaculaire, passant de 1 523 986 voyages en 2001 à 2 757 386 l’année suivante, pour atteindre plus de 4, 5 millions de voyages en 2014, 13 ans après la mise en œuvre. La fréquentation atteint désormais 57 voyages/an/habitant alors que la moyenne française pour des agglomérations de taille similaire est de 35 voyages/an/habitant. Dans le même temps, le gestionnaire du réseau a su adapter son offre de transport globale pour accompagner la hausse de la fréquentation et les nouveaux besoins du territoire.

Au sein de l’intercommunalité du Pays d’Aubagne et de l’Etoile, avec 103 000 habitants, le principe de gratuité a été mis en place en mai 2009. En 4 ans, la fréquentation a augmenté de 170 %, avec, en même temps, une baisse de 10 % du trafic routier. Une étude d’opinion réalisée un an après la mise en place de la gratuité permet de rendre compte des modifications induites dans la vie quotidienne des habitants. Selon cette étude, les nouveaux usagers, ceux qui ne prenaient jamais le bus avant la gratuité, représentent 20 %, avec un impact plus important chez les jeunes. 40 % des trajets n’auraient pas été effectués si la gratuité n’existait pas. C’est sur les trajets loisirs et les visites à des proches que l’impact est le plus important, avec 31 % des usagers qui utilisent les transports publics pour ces motifs contre 18 % auparavant.

D’autres collectivités la mettent publiquement en débat, comme Clermont-Ferrand et plus récemment Paris. Ce constat démontre l’intérêt et la faisabilité de cette mesure pour tous les niveaux de collectivités.

Un débat qui monte en Europe et dans le monde


En Europe, c’est le gouvernement allemand qui envisage l’instauration de cette mesure afin de lutter plus efficacement contre la pollution. Berlin est sous la pression de Bruxelles, qui reproche à la première puissance économique d’Europe de dépasser régulièrement les limites d’émissions de deux polluants très nocifs : les particules fines (PM10) et le dioxyde d’azote (N02). Avec cette mesure l’Allemagne espère donc convaincre Bruxelles de ne pas saisir la Cour européenne de justice à son encontre et de ne pas écoper de lourdes sanctions financières. Les membres du gouvernement expliquent que la gratuité des transports pourrait être expérimentée d’ici la fin de l’année dans cinq villes : Bonn, Essen, Herrenberg, Reutlingen et Mannheim. Tallinn, capitale de l’Estonie avec ses 440 000 habitants, est à ce jour la plus grande ville ayant adopté la gratuité des transports en commun.

Comme l’indique le rapport de mars 2017 conduit par le bureau d’études Vigs pour le compte de la communauté urbaine de Dunkerque : « depuis 1962, et l’expérience pionnière de la ville de Commerce, banlieue de la métropole de Los Angeles, la gratuité a séduit de nombreuses villes à travers le monde et connaît aujourd’hui une diffusion rapide : on dénombre ainsi 107 cas de réseaux de transports en commun entièrement gratuits en 2016 ».

Se déplacer est un droit fondamental, se déplacer librement une nécessité. La présente proposition de loi a l’ambition de répondre à la fois à l’urgence écologique et à l’urgence sociale, en favorisant l’égalité réelle d’accès de chaque citoyen au transport collectif. En proposant d’accompagner l’action des autorités organisatrices de la mobilité en faveur de la gratuité, elle vise à assurer un nouveau droit à la mobilité pour toutes et tous en modifiant en profondeur notre rapport à la ville et les conditions de vie des habitants. Le texte présente ainsi de nouveaux outils de soutien à l’action des collectivités en faveur de la gratuité d’accès aux transports publics urbains.

Le Titre I présente plusieurs dispositions financières visant à soutenir spécifiquement le passage à la gratuité des collectivités.

L’article 1 prévoit la possibilité d’abaisser de 11 à 9 salariés le seuil d’assujettissement au versement destiné au financement des transports en commun. Le retour au seuil à 9 salariés, pour les collectivités qui le décident, reviendrait ainsi sur le relèvement du seuil décidé par le projet de loi de finances pour 2016.

Afin d’accompagner efficacement la mise en œuvre de la gratuité, au service des tous les habitant-e-s et de tous les salarié-e-s,

L’article 2 prévoit un taux de versement transport différencié et supérieur pour les collectivités mettant en place la gratuité.Ce taux bonifié serait fixé à 1 % pour les collectivités dont la population est comprise entre 10 000 et 100 000 habitants, et à 2,15 % lorsque la population est supérieure à 100 000 habitants.

L’article 3 prévoit que les communes ou les AOT puissent bénéficier directement du montant de la prise en charge des frais de transport public prévue par l’article L. 3261-2 du code du travail.

En complément des précédentes dispositions financières, l’article 4 prévoit également la possibilité d’instaurer une taxe spécifique sur les surfaces de stationnement, affectée au financement des transports en commun.

Le Titre II contient 3 dispositions spécifiques à l’investissement.

L’article 5 prévoit le renforcement des missions de l’Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF). L’agence pourra désormais apporter son soutien financier aux projets relatifs à la mise en œuvre de la gratuité par les communes ou les autorités organisatrices de transport (AOT) urbain ou péri-urbain.

L’article 6 complète la liste des projets pouvant bénéficier du programme d’investissements d’avenir (PIA).

Au regard de l’enjeu prioritaire du développement des infrastructures et des besoins matériels des réseaux de transport urbains et périurbains,

L’article 7 institue une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières, dont le taux est fixé à 0,1 avec affectation à l’AFITF.

PROPOSITION DE LOI

TITRE I

DISPOSITIONS FINANCIÈRES VISANT À ACCOMPAGNER LA MISE EN œUVRE DE LA GRATUITÉ

Article 1er

Le II de l’article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales est ainsi rétabli :

« II. – Lorsque les communes ou l’organe compétent de l’établissement public chargé de la mobilité institue par délibération la gratuité des transports en commun, le seuil prévu au I peut-être abaissé à neuf salariés. »

Article 2

Le I de l’article L. 2333-67 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :


« – 1 % des salaires définis à l’article L. 2333-65 lorsque la population de la commune ou de l’établissement public est comprise entre 10 000 et 100 000 habitants, et que l’autorité organisatrice de la mobilité ou des transports urbains a décidé de la mise en œuvre de la gratuité des transports en commun. »

2° Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :


« – 2,15 % des salaires définis à l’article L. 2333-65 lorsque la population de la commune, de la métropole de Lyon ou de l’établissement public de coopération est supérieure à 100 000 habitants et que l’autorité organisatrice de la mobilité ou des transports urbains a décidé de la mise en œuvre de la gratuité des transports en commun. »

Article 3

La section 8 du chapitre III du titre III du livre III de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. 2333-75-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2333-75-1. – Les communes, ou l’organe compétent de l’établissement public chargé de la mobilité, qui instituent la gratuité des transports en commun, peuvent bénéficier du montant de la prise en charge des frais de transports publics prévue à l’article L. 3261-2 du code du travail.

« Un décret précise les conditions et modalités de recouvrement par les communes ou l’organe compétent de l’établissement public chargé de la mobilité des montants de cette prise en charge. »

Article 4

La section 8 du chapitre III du titre III du livre III de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. 2333-75-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2333-75-2. – En dehors de la région d’Île-de-France, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à l’exception des fondations et associations reconnues d’utilité publique à but non lucratif dont l’activité est de caractère social, lorsqu’elles emploient au moins onze salariés, peuvent être assujetties à une taxe annuelle sur les surfaces de stationnement qui leur sont annexées, destinée au financement des transports en commun au profit des communes ou de l’organe compétent de l’établissement public chargé de la mobilité qui instituent la gratuité. »

TITRE II

DISPOSITIONS FINANCIÈRES VISANT À ACCOMPAGNER L’INVESTISSEMENT EN FAVEUR DE LA GRATUITÉ DES TRANSPORTS EN COMMUN

Article 5

Le premier alinéa du I de l’article 13 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, est complété par la phrase suivante :

« L’agence mentionnée à l’article R. 1512-12 du code des transports pourra concourir au financement de projets relatifs à la mise en œuvre de la gratuité des transports en commun par les communes ou l’organe compétent de l’établissement public chargé de la mobilité. »

Article 6

Les communes, ou l’organe compétent de l’établissement public chargé de la mobilité, qui instituent la gratuité des transports en commun prévue à l’article 1er de la présente loi, peuvent bénéficier du soutien aux innovations en faveur du transport urbain inscrit dans le cadre de l’action « Ville de demain » du Programme d’Investissements d’Avenir.

Article 7


La section XX du chapitre III du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complétée par un article 235 ter ZDA ainsi rédigé :

« Art. 235 ter ZDA. – Il est institué une taxe additionnelle à la taxe prévue à l’article 235 ter ZD. Cette taxe additionnelle est assise, recouvrée, exigible et contrôlée dans les mêmes conditions que celles applicables à la taxe prévue au même article 235 ter ZD. Son taux est fixé à 0,1 %. Son produit est affecté à l’agence de financement des infrastructures de transport de France mentionnée aux articles R. 1512-12 à R. 1512-19 du code des transports. »

Article 8

La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.



vendredi 28 septembre 2018

Le PCF et l'immigration



Mediapart a publié le 26 septembre un long article : « Immigration: six partis de gauche répondent à nos quinze questions clés » dont chacun-e peut prend connaissance sur son site.
Pour faciliter la lecture des réponses apportées par le Parti communiste français (sous la plume de Cécile Dumas et Lydia Samarbakhsh, membres du Comité exécutif national du PCF), nous avons choisi de le publier ici d'un seul tenant avec le mot introductif qui nous a été adressé lors de l'envoi des questions.

MEDIAPART – La gauche et l'immigration

Après les épisodes de l’Aquarius, et alors que l’extrême droite progresse partout en Europe, la question migratoire – qui recouvre à la fois la question de l’asile, et l’immigration structurelle – est aujourd’hui au cœur des débats nationaux et européens. Des partis de gauche, en France et en Europe, estiment que leur doctrine sur le sujet doit être repensée.
A quelques mois des élections européennes, où la question migratoire pourrait se retrouver au cœur des débats, Mediapart a souhaité interroger les organisations de gauche et écologistes françaises afin de mieux connaître leurs prises de position sur ce sujet.
Nous soumettons ce « questionnaire » à toutes les organisations politiques habituellement classées à gauche qui prévoient de présenter une liste aux élections européennes de 2019 : NPA, EELV, France insoumise, PS, PCF, et Génération.s.
Merci de répondre aussi précisément que possible.
Vos réponses à ce « questionnaire » seront utilisées dans un article de synthèse, et seront également publiées telles quelles sur le site de Mediapart.


1°) Diriez-vous que l’Europe fait face à une « crise » migratoire ? Sinon, comment qualifiez-vous les phénomènes migratoires actuels ? Considérez-vous qu’ils sont inédits par leur ampleur ? Par leur nature ?

Le terme « crise migratoire » a envahi la scène politique et médiatique européenne. La réalité n’est pas vraiment celle d’une crise migratoire mais bien de celle d’une crise de l’accueil des réfugiés en Europe.

Il y a un travail d’information de la réalité à mener, certains journalistes d’ailleurs se sont organisés pour le mener, et de notre côté, il est indispensable de rappeler en permanence que les migrations sont constitutives de l’humanité et une réalité qui existe depuis des siècles.
Aujourd’hui, le nombre de femmes et d’hommes concernés n’a jamais été aussi important du fait du développement des insécurités sur tous les plans, et c’est un enjeu international, européen. Mais ce n’est pas en Europe qu’afflue l’essentiel des migrants, déplacés ou réfugiés, auquel les peuples peuvent ensemble donner des solutions humaines.
Vérité des chiffres : Non, il n’y a pas d’ « invasion » de l’Europe. Il y a actuellement 258 millions de migrants internationaux dans le monde, soit 3,3% de la population mondiale contre 2,9% en 1990 et 5% en 1900, époque où c’étaient surtout des Européens fuyant persécutions et misère.
En revanche, aujourd’hui, les migrations concernent quasiment tous les pays du monde qui sont à la fois pays de départ, d’arrivée et de transit. Les migrations se sont mondialisées.
On voit que les mouvements de population ne se sont amplifiés autant que certaines communications du gouvernement français voudraient nous le faire croire.
La France est un pays avec un solde migratoire quasiment nul.
D’ailleurs, 105 millions de migrants sont originaires d’Asie, 60 millions d’Europe et 36 millions d’Afrique. Au prorata de la population respective des continents, ce sont toujours les Européens qui migrent le plus.
Le mot « crise » a donc bien dans la bouche de l’extrême droite ou de dirigeants européens et français une fonction politique qui traduit la volonté des gouvernements des pays européens de durcir les politiques migratoires en particulier vis-à-vis des pays du sud.

2°) Avec le recul, quel regard portez-vous sur les décisions prises par Angela Merkel en 2015, au pic de l’arrivée des réfugiés qui fuyaient la guerre en Syrie ? Et sur l’attitude du président François Hollande ? 

S’il y a un pays qui ne peut pas donner de leçon aux pays membres de l’UE, c’est bien la France. L’Allemagne, elle, a montré plus de solidarité que notre pays et pas simplement pour des raisons de besoin de main d’œuvre mais parce qu'Angela Merkel a dû prendre en compte le mouvement citoyen de solidarité avec les migrants déjà à l’œuvre.

Les conditions d’accueil sont plus dignes en Allemagne qu’en France mais Angela Merkel s’est laissée ensuite « mettre sous pression » par les conservateurs allemands et a commencé à vouloir marchander sur ce terrain avec la Turquie d’Erdogan ou lors du Sommet de La Valette en appuyant l’idée d’externalisation de la gestion des flux migratoires portée par E. Macron alors qu’au sein même de l’UE, c’est la ligne la plus xénophobe qui pour l’heure donne le tempo.
La France s’était alors engagée à accueillir un peu plus de 19 000 demandeurs d’asile et en septembre 2017, seulement 4278 étaient accueillis en France.
Nous restons persuadés que si la solidarité européenne avait été organisée et, en particulier, vis-à-vis de la Grèce et de l’Italie, nous n’en serions pas à ce stade de montée de l’extrême-droite. La France a une responsabilité importante dans cette absence de solidarité que ne masqueront jamais tout à fait les coups de communication d’Emmanuel Macron quand il accueille 60 migrants de l’Aquarius.
C’est le déshonneur de la France, qui est historiquement un pays d’émigration et d’immigration, d’avoir abandonné sa politique d’accueil pour des raisons électoralistes.

3°) Êtes vous favorable à la liberté de circulation ? A la liberté d’installation ? Etes-favorable à la suppression des frontières ?

Le droit à la circulation est sans conteste pour nous un des droits humains universels fondamentaux. Pour l’heure, seul un tiers de la population mondiale a réellement accès.

Nous sommes favorables au droit à la circulation avec des voies légales — et sécurisées— de migrations, seule façon effective de démanteler les trafics d’êtres humains.
Il est urgent de réorienter la politique migratoire européenne en conformité avec la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui énonce que « toute personne a le droit de circuler librement, de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat, toute personne a le droit de quitter tout pays y compris le sien, et de revenir dans son pays ».
Nous n’acceptons pas une conception de la mondialisation qui ne donne la liberté de circulation qu’aux capitaux et aux marchandises et pas aux êtres humains, surtout quand il s’agit de vie ou de mort !

4°) La distinction entre « réfugiés » d’un côté, migrants « économiques » de l’autre, vous semble-t-elle pertinente ? Sinon, pourquoi ?

Pour les communistes, il n’est en aucun cas question de souscrire à ce tri sélectif entre « bons réfugiés » et « mauvais migrants économiques ».

Qu’elle soit réfugiée, c’est-à-dire contrainte de solliciter une protection internationale, qu’elle soit demandeuse d’asile, qu’elle soit migrante pour aller chercher un travail, rejoindre sa famille ou à cause de catastrophes naturelles, chacune de ces personnes se déplace d’une manière plus ou moins contrainte et doit avoir le droit de choisir une autre vie et d’être protégée dans le respect de ses droits élémentaires.
La prétendue hiérarchie entre « bon ou mauvais » migrants sert aux calculs les plus froids et cyniques.

5°) Diriez-vous-vous que l’immigration a pesé défavorablement sur les conditions de travail et les salaires ces dix dernières années en France ? Si oui, en déduisez-vous qu’il faudrait prendre de nouvelles mesures pour limiter ou réduire le nombre d’entrées (hors réfugiés) sur le territoire?

Toutes les études sérieuses ont mis en évidence que la France a bénéficié de l’apport migratoire quelqu’en soit sa provenance d’origine, et aussi bien sur le plan économique que culturel alors même que plusieurs générations d’immigrés, et leurs enfants, ont été maltraités et humiliés dans notre pays par les autorités. L’immigration ne sera pas l’éternel bouc émissaire de la politique du patronat sur les conditions de travail et les salaires.

Ce sont bien les politiques d’austérité et les exigences de profit des patrons qui ont pesé défavorablement sur les conditions de travail.
Ce sont bien les politiques d’austérité et les exigences de profit des patrons qui organisent le dumping social et la concurrence entre les individus.
Ne nous trompons pas de cibles, c'est bien ensemble que les luttes doivent se mener pour de nouveaux progrès sociaux !

6°) Faut-il renforcer Frontex et les contrôles aux frontières de l’Union européenne ?

C’est ce qui est fait actuellement et cela depuis des années pour quel résultat ? Les migrants ne sont pas des criminels mais les passeurs et réseaux, si. C’est à la sécurisation des voies de migrations, et au démantèlement des réseaux de trafiquants d’êtres humains que Frontex doit servir. L’Union européenne, pressée par ses Etats-membres les plus réactionnaires a pour obsession de « sécuriser » ses frontières par des murs physiques ou électroniques. Ces politiques ne servent à rien et ont un coût faramineux alors que tout manque dans l’aide humanitaire et dans les services administratifs d’accueil et d’orientation. Nous proposons de réorienter les missions de Frontex vers le sauvetage et l’ouverture de voies légales sans conditions.


7°) Par ailleurs, diriez-vous qu’il faut réduire le nombre de « sans papiers » en France en procédant à davantage de régularisations (30 000 par an ces dernières années sur la base d’une circulaire de Manuel Valls datant de 2012) ? Si oui, quels critères faut-il revoir ? Faut-il régulariser l’ensemble des travailleurs « sans papiers » ?

La France héberge dans des conditions souvent déplorables des dizaines de milliers de personnes sans droits, des migrants que l’on appelle souvent des « ni, ni », c’est-à-dire déboutées du droit d’asile et impossible à expulser. Cette situation administrative est ahurissante.

C’est cette logique sécuritaire qui crée les « sans papiers », alors, oui il faut une grande politique de régularisation fondée sur le plein respect des droits : regroupement familial, droit au travail, droit à la santé, droit à l’éducation…

8°) Faut-il augmenter l’aide au développement dans les pays d’émigration ? Avec pour objectif principal de limiter les départs ? Cette aide doit-elle être conditionnée ? Si oui, à quelles contreparties ?

Depuis des années, les Nations unies demandent à chaque pays développé de consacrer au moins 0,7% de son produit national brut à l’aide publique au développement des pays du sud. En 2016, la France n’en était qu’à 0,38% soit 8,6 milliards d’euros et le 1er ministre a fixé comme

objectif en 2022 de 0,55%.
Il est grand temps que la France réponde aux exigences des Nations unies, et vise un objectif plus ambitieux en la matière, en volume de fonds, en personnels et dispositifs mais aussi en mettant un terme à la « sous traitance » aux ONG, voire à la quasi privatisation de son action. L’État doit jouer pleinement son rôle et ce, aux côtés des collectivités territoriales qui jouent un rôle décisif mais de plus en plus seules sur ce terrain.
En revanche, il est aussi indispensable de ne pas conditionner les aides au développement à des conditions de réadmission et la plupart des études le disent les départs d’un pays ne sont pas liés au développement des pays en question.
L’arrêt des ventes d’armes seraient certainement plus efficaces à la paix et à la fin de mouvements de population contraints par la guerre.
Il faut aussi rappeler que l’apport personnel des migrants à leur pays d’origine est 3 fois plus important que l’aide publique au développement.
En 2017, les migrants ont renvoyé 596 milliards de dollars dans leur pays d’origine et 450 milliards de dollars vers les pays en voie de développement.

9°) Faut-il élargir le droit d’asile ? En particulier, êtes-vous favorables à la création de nouveaux droits liés aux violences subies non plus seulement dans les pays d’origine, mais durant le parcours migratoire (comme en Libye) ?

Oui, il faut surtout agir pour un droit d’asile européen, débat que refusent les pays membres depuis 10 ans. Quelle que soit la nature des violences, il faut ouvrir la possibilité du droit d’asile, cela fait partie de l’ouverture de voies légales de migrations et c’est la seule solution de lutter contre le trafic d’êtres humains et les passeurs mafieux.


10°) Comment mieux garantir aux migrants accessibles au statut de réfugié la possibilité de faire valoir leurs droits en France et en Europe ?

Tout d’abord avec une politique de solidarité européenne et ne pas laisser l’Italie et la Grèce seuls.

Nous devons garantir les droits des personnes, assurer la diversité de traducteurs pour permettre une meilleure compréhension des démarches administratives et laisser le temps nécessaire au demandeur d’asile pour choisir sa vie.
Pour cela, nous proposons d’élaborer une loi de programmation de 50 000 places d’hébergement en CADA (Centre d’accueil de Demandeurs d’Asile) avec la nécessité de réduire l’accueil hôtelier.
Ce plan de programmation doit être réfléchi avec les territoires pour favoriser le lien social avec l’environnement et l’accès aux services publics.
Il faut aussi permettre aux départements d’avoir les moyens d’accueillir les mineurs isolés comme la loi l’oblige. Tout mineur devrait être accompagné par un travailleur social de l’ASE pour élaborer avec lui un parcours scolaire ou professionnel. Les financements doivent être croisés entre le département, l’État et l’Europe et permettre le respect des conventions des droits de l’enfant.

11°) Faut-il autoriser les bateaux humanitaires de secours en Méditerranée (tel l’Aquarius) à débarquer leurs rescapés en France ?

Bien sûr, les ports français sur la Méditerranée ne manquent pas. Le parti communiste français mène d’ailleurs une campagne #OuvronsNosPorts pour encourager cet accueil.


12°) Faut-il créer des plateformes de débarquement sur la rive Sud de la Méditerranée où seraient examinées les demandes (comme envisagé par les dirigeants de l’UE au conseil européen de juin dernier) ? D’une manière générale, faut-il favoriser le traitement des demandes d’asile depuis les pays tiers (Niger, etc) pour éviter que les migrants non-accessibles au statut de réfugié se risquent en Libye, en Méditerranée, etc ? Seriez-vous favorable au traitement des demandes d’asile dans les pays de départ ? 

Non, il faut respecter les droits internationaux, le droit d’asile donne la possibilité de choisir son pays d’arrivée. La politique de l’Union européenne et des États membres d’externaliser sa politique migratoire n’a pas de sens.

Sous contrôle du HCR et de l’OIM, il faut construire des corridors humanitaires et permettre des visas humanitaires à celles et ceux qui fuient les zones de conflit.
Il faut actuellement permettre le rapatriement des 8 000 personnes abandonnées à Tripoli en Libye et qui traversent un martyre.

13°) Pour les demandeurs d’asile arrivant dans l’Union européenne, faut-il des quotas de répartition contraignant entre pays européens ? Si oui, quels leviers utiliser pour convaincre ou contraindre les Etats européens réfractaires (Hongrie, etc.) ?

On ne peut pas être dans l’Union européenne sans montrer de la solidarité et de la coopération entre pays membres. Mais il faut aussi respecter le choix des demandeurs et en particulier le lien avec le pays demandé et faire sauter sauter le verrou du 1er pays entrant (accord dits de Dublin).

Nous proposons de couper les fonds européens aux pays réfractaires de l’Union européenne.

14°) Etes-vous favorable à une réforme du règlement européen de Dublin qui prévoit que le pays responsable d’une demande d’asile est celui où les migrants ont été enregistrés en premier (le plus souvent la Grèce, l’Italie, l’Espagne) et qui permet à la France d’y transférer des demandeurs d’asile pourtant entrés sur son territoire ? Si oui, quelle réforme ? En attendant, faut-il que la France suspende toutes les procédures de renvoi des « dublinés » dans leur pays d’entrée ?

Tout d’abord, il faut souligner que la France n’a aucune obligation de renvoi, et refuser le « dublinage » serait un acte de solidarité de notre pays qui est un des pays qui acceptent le moins de demandes d’asile.

Nous souhaitons l’abrogation des règlements dits « de Dublin ». Une des propositions que nous soumettons est que les pays de 1ère entrée dans l’UE ne soient plus automatiquement responsables des demandeurs d’asile.
A leur arrivée, un dispositif d’accueil doit les prendre en charge, se renseigner sur l’existence de liens familiaux, professionnels ou scolaires dans les Etats membres.
L’existence de tels liens doit permettre l’installation des personnes dans le pays concerné sinon, le demandeur d’asile sera automatiquement confié à un Etat membre sur la base d’une clé de répartition définie par l’UE.

15°) Etes-vous favorable à des charters européens pour expulser les déboutés du droit d’asile (comme le promeut le directeur de Frontex) ?

Non, et c’est malheureusement ce qui est fait de plus en plus par Frontex. Il faut rappeler que la plupart des déboutés d’asile sont inexpulsables selon le droit.

Nous refusons la notion de « pays sûr » qui est défini par les États membres sur des critères bien obscurs et qui qualifie aujourd’hui des dictatures. Comment expliquer que l’Allemagne définisse l’Afghanistan comme un « pays sûr » ! Aucune politique d’État ne doit « fabriquer » de personnes « sans droit ».


dimanche 23 septembre 2018

UN CRI D’ALARME


SPORTS : UN CRI D’ALARME MONTE DU TERRAIN

Un an après l’obtention des JO 2024, la France met le sport à la diète pour mieux l’abandonner au privé. Cette remise en cause du « sport pour tous » affaiblit le dispositif qui permet de détecter les futurs champions.


307 000 associations sportives en France - 3,5 millions de bénévoles - 18 millions de licenciés.

«Pourquoi avoir bataillé pour avoir les JO 2024 si c’est ensuite pour réduire les moyens ? » Mélina Robert-Michon, vice-championne olympique du lancer de disque, est la première à lâcher ce que beaucoup pensent tout bas. Deux mois après le triomphe des Bleus à la Coupe du monde, la France se réveille avec la gueule de bois. La lettre de « cadrage » envoyée par Matignon au ministère des Sports est un carnage : baisse de 6,2 % du budget 2019, après une diminution de 7 % en 2018. 1 600 postes – la moitié des effectifs du ministère – sont sur la sellette, dont les conseillers techniques sportifs. Ces CTS sont « assez méconnus », reconnaît Philippe Bana, le président de l’Association des directeurs techniques nationaux. Ils sont pourtant la colonne vertébrale du sport français : animation, formation, détection des talents… « Dans les territoires, ils se cassent le trognon à faire des plans de développement, à former les éducateurs. En handball par exemple, ils en forment 20 000 chaque année. Ce n’est pas que du haut niveau. Ils fabriquent aussi le baby handball pour les 3-6 ans. C’est toute l’ingénierie du sport »


Rémunérés par l’État, ces agents exercent dans les fédérations. Il faut bien comprendre que l’organisation du sport français leur est déléguée. Chaque fédé organise sa discipline. À cela s’ajoutent, les fédérations omnisports et affinitaires, comme la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT, lire page 41). Le tout est chapeauté par le Cnosf (Comité national olympique du sport français). « Les CTS sont le dernier carré du service public du sport », revendique Philippe Bana. Ils sont garants d’un droit au sport pour tous, pour les 107 fédérations agréées par l’État, 307 000 associations sportives et 18 millions de licenciés.

Depuis des années, le sport prend des coups
La nouvelle ministre des Sports, l’ex-nageuse Roxana Maracineanu, a voulu rassurer, il n’y aura pas de « suppression », mais « les CTS ne seront plus forcément fonctionnaires ». En clair, ils devront être payés par quelqu’un d’autre ! Pour Philippe Bana, « on nous rejoue le coup de 1996. Pendant les JO d’Atlanta, on avait déjà voulu les supprimer. À l’époque, Chirac avait mis le holà. Trois fédérations s’y étaient laissé prendre. L’État leur promettait 200 000 francs par an par cadre. Après deux ans, il n’y a plus eu d’argent ».

Si quelques dirigeants de fédération aimeraient récupérer ces cadres d’État et être leur seule tutelle, la majorité ne « pourra pas », prévient Philippe Bana. Il faudrait 120 millions d’euros, selon un rapport de la Cour des comptes. Certains en auraient les moyens, les riches fédérations du foot ou du rugby par exemple. Pas les autres. À la FSGT et ses 300 000 pratiquants, c’est « inenvisageable, on ne pourra pas garder nos 6 CST », explique Emmanuelle Bonnet-Oulaldj, coprésidente de la FSGT.

Ces postes ne sont que la partie visible d’une casse plus large du sport pour tous. Depuis des années, le sport prend des coups. Encore plus avec ce gouvernement : baisse des dotations aux collectivités qui financent l’essentiel du sport amateur, plafonnement de la taxe Buffet sur les droits télé, baisse du budget du CNDS (Comité national pour le développement du sport). « Cela dessine une volonté de libéraliser le sport. Un conseiller de M. Macron nous l’a clairement dit : “Il faut libéraliser la concurrence dans le sport” », explique Emmanuelle Bonnet-Oulaldj. Conséquences, explosion des salles privées, hausse du prix des licences… Et au final, un sport moins accessible.

Dans le Val-de-Marne, à Champigny, Philippe Sudre, l’adjoint au sport (PCF), a lui aussi sorti la calculette : « L’an dernier, la ville a perdu 17 millions de dotations. À contrecœur, on a amputé le budget sport de 300 000 euros. Concrètement, ça veut dire qu’on a réduit les heures supplémentaires des agents, et qu’on ferme plus tôt certains équipements. »

« Pas de champions sans amateurs ! »
La ville ne reçoit aucune subvention de l’État dédiée au sport. Alors elle doit faire des choix. « On en a fait une priorité politique. Mais nous avons dû retarder la réfection de la piscine, obsolète », continue l’élu. Ici, on mêle sport de haut niveau et pour tous. « Il n’y a pas de secret, pour avoir des champions, il faut de l’amateur. » Champigny, c’est 1 million d’entrées sur ses 30 équipements pour 76 000 habitants… Et des médailles : 3 aux derniers JO. La ville est classée 37e au monde en termes de résultats aux JO.

Au cœur de la pratique, il y a les équipements, toujours à la charge des collectivités. « Les équipements datent des années 1970. Il n’y a pas eu de plan depuis. Dans certains clubs, il y a de longues files d’attente pour accueillir les pratiquants. Symboliquement, dans le 14e arrondissement de Paris, des parents ont campé le jour des inscriptions devant le gymnase Alice-Milliat », explique Emmanuelle Bonnet-Oulaldj.

Prenons les piscines, « en Seine-Saint-Denis, pour 2 millions d’habitants, il y en a 35. Un enfant sur deux ne sait pas nager en entrant en 6e… L’été dernier a été le plus meurtrier en termes de noyade. On ne fera pas de miracle », prévient la coprésidente de la FSGT.

La réorganisation du modèle est dans les tuyaux. Le Comité action publique 2022, mis en place pour réformer l’État, envisage déjà la suppression du ministère des Sports. Une agence devrait voir le jour, dans la douleur, au premier semestre 2019. À son budget, 400 millions pourraient être consacrés au haut niveau (soit 50 millions de moins que le budget total du ministère). « C’est tout simplement un contresens. Y aura-t-il encore un projet politique sportif ? » interroge Marie-George Buffet, ancienne ministre des Sports. Les Anglais ont fait le choix d’abandonner un ministère. Avec pour résultat la baisse de la pratique.

La fronde s’organise déjà dans les clubs et les fédérations, ils devraient se faire entendre du 20 au 23 septembre lors de la Fête du sport.

Pia de Quatrebarbes

samedi 22 septembre 2018

Maurice Audin

Document. Le président de la République chez Josette, la veuve de Maurice Audin....


Le président de la République s'est rendu chez Josette Audin pour lui "demander pardon, au nom de la République française" et lui remettre une déclaration qui condamne l'usage de la torture pendant la guerre d'Algérie.

vendredi 21 septembre 2018

Apologie de l'ignoble


Maurice Audin, Hapsatou, William, Natacha... et le symptôme "Eric Zemmour"


« Maurice Audin était un traitre et méritait douze balles dans la tête » a dit E. Zemmour.
Maurice Ulrich, éditorialiste de l'Humanité, fait remarquer que ces propos sont une apologie de la torture et la négation d'un crime de guerre. Il se demande comment il peut continuer à proférer de telles propos sur les chaines privées et publiques…0 Réalisation : Abrahim Saravaki

mercredi 19 septembre 2018

Plan santé, ÉTAT D'URGENCE

Plan santé : 
Les Hôpitaux en « État d'urgence »
18/09/2018 - PCF


Le Président de la République vient d’annoncer des mesures censées redresser l’état catastrophique de la santé dans notre pays, politique dont il porte en partie la responsabilité.

Si la suppression du Numerus Clausus ou de la T2A est une revendication que le PCF porte depuis longtemps, les propositions de Monsieur Macron, sous couvert de modernisation de notre système de santé, ne répondent pas aux besoins des populations et des territoires. Les Hôpitaux sont en État d'urgence.

Dans le plan d’urgence présenté lors de la Fête de l’Humanité, le PCF réclamait l’arrêt des restructurations hospitalières, la création dès 2019 de 100 000 nouveaux emplois hospitaliers pour répondre à la souffrance des personnels et des malades. A la place, le Président annonce, pour toute la France, 4000 postes d’assistants médicaux dans la médecine de ville et rien pour l’Hôpital.

"Notre système de santé ne pêche pas par un sous-financement". Aberrant quand on sait que tous les clignotants sont au rouge, car l’hôpital public est rongé par l’austérité.

L'Hôpital a besoin de 4 milliards pour simplement maintenir l'offre de soins existante à son niveau actuel. Au lieu de cela Emmanuel Macron nous vend un léger desserrement du verrou de l’ONDAM (objectif national des Dépenses d’Assurance Maladie) de 400 millions d’euros en 2019.

Quant aux EHPAD, à peine évoqués, ils auraient besoin de 100 000 emplois par an pendant 3 ans, d’un plan de formation et d’investissement à la hauteur des enjeux de société que représente le vieillissement de la population.

Ce plan tout en apportant, ici et là, quelques rectificatifs au désastre sanitaire, conséquence des politiques successives, est loin de répondre aux attentes formulées par nos Parlementaires, lors de leur Tour de France des Hôpitaux et des EHPAD.

Le PCF continuera à se mobiliser avec toutes celles et tous ceux qui luttent pour un système de santé accessible à toutes et à tous sur l’ensemble du territoire.


Depuis le 10 janvier dernier, les parlementaires communistes, député-es comme sénat-eur-rices, parcourent la France pour aller à la rencontre des personnels hospitaliers. Le constat est sans appel : les personnels sont usés, les services sont en sous effectif, les lits manquent et les moyens sont insuffisants. Nous assistons à une véritable catastrophe sanitaire.

Alain Bruneel, député du Nord, a produit le clip "Etat d'urgence" pour soutenir les luttes du service public de la santé. Un slam écrit et interprété par Ugo Dess.


HÔPITAL. UN PLAN SANTÉ QUI ENTÉRINE L’AUSTÉRITÉ POUR LE SERVICE PUBLIC

Mercredi, 19 Septembre, 2018
Sylvie Ducatteau



Rallonge budgétaire au compte-gouttes, rapprochement public-privé, soins d’urgence confiés aux médecins de ville… Le plan présenté hier ne répond à aucune des revendications exprimées par un personnel soignant à bout de souffle.


Pour sa réforme majeure du quinquennat, Emmanuel Macron prétend mettre « le patient au cœur du système », « développer la prévention et la qualité des soins ». « Mon ambition est que notre système de santé soit le pilier de l’État providence du XXIe siècle », a expliqué le président, hier matin à l’Élysée, avant de décliner quelques-unes des mesures phares du plan Santé 2022 dont la suppression du numerus clausus, la création d’un nouveau métier de conseiller médical, le recrutement de 400 médecins salariés pour les déserts médicaux et l’arrêt progressif du financement à l’acte (T2A) à l’hôpital et en ville. Emmanuel Macron a tenu à présenter lui-même le cap de la transformation du système de santé, d’ailleurs différée plusieurs fois ces derniers mois. Son premier avertissement a été clair : « Notre système ne souffre pas d’un manque de moyens mais d’une organisation inadaptée aux besoins d’une population vieillissante et aux évolutions technologiques. » Difficile toutefois d’ignorer les plaintes des soignants que rappellent les centaines de mouvements de grève dans les Ehpad, les hôpitaux publics, les cliniques et dans le secteur de la psychiatrie. 1 700 mouvements ont été recensés en un an par les syndicats. 400 millions d’euros d’investissements supplémentaires seront programmés en 2019 pour financer la réforme. Et quelques revalorisations salariales promises, notamment aux aides-soignants des Ehpad. La progression de l’Ondam, qui fixe le niveau des dépenses d’assurance-maladie, passera quant à elle de 2,3 % à 2,5 %. Un projet de loi sera présenté à la rentrée 2019.

1 LA FIN DE LA PÉNURIE DE MÉDECINS PAS POUR DEMAIN

Depuis 1971, le numerus clausus plafonnait le nombre de médecins formés chaque année. La logique voulait qu’en limitant leur nombre, en fait l’offre de soins, on limiterait les dépenses de santé. Pendant près de quinze ans, le nombre de médecins en formation a été divisé par deux pour atteindre moins de 4 000 par an. 25 % des nouveaux praticiens ont obtenu leur diplôme hors de France. La pénurie touche en particulier les généralistes alors que le nombre de spécialistes est en progression. La levée du numerus clausus permettra-t-elle de former plus de médecins, notamment généralistes, les plus à même de coordonner les parcours de soins ou de développer des plans de prévention, axe majeur du plan santé ? Emmanuel Macron n’en a rien dit. Pas de chiffres. Le président s’en est tenu à une affirmation : les études médicales nécessairement réformées resteraient « sélectives » et leur « excellence » garantie. Son entourage est un peu plus bavard. Au cabinet de l’Élysée, on n’écarte pas le risque que les étudiants soient moins nombreux à l’arrivée.
2 QUELQUES MÉDECINS SALARIÉS FACE AUX DÉSERTS MÉDICAUX

Pas de coercition. À la manière forte d’une obligation d’installation, Emmanuel Macron préfère l’appel « à la responsabilité collective » des médecins libéraux. Le président y croit. L’État mettra pourtant la main à la poche et financera, dès 2019, 400 postes de médecins salariés pour les territoires dont la situation est la plus critique. Un petit pas alors que 20 % de la population vivent en zone « sous-dense ». Ces salariés seront rattachés à un hôpital ou un centre de santé ou à d’autres structures comme les maisons de santé, publiques ou privées. « La porosité entre le système libéral et l’hôpital doit s’imposer », selon le président. Ces postes devront être attractifs mais tout reste à négocier, leur statut et leur rémunération.
3 DES MÉDECINS LIBÉRAUX POUR ACCUEILLIR LES URGENCES

Le gouvernement compte sur les médecins généralistes libéraux pour assurer les soins de premiers secours, la proximité avec les patients mais également les urgences de jour. Ces derniers sont fermement invités à se regrouper au sein de maisons de santé. Et à rejoindre les communautés professionnelles de territoires de soins (CPTS) auxquelles devraient incomber les urgences de jour et l’organisation de la coordination des soins. Ainsi, il faudra en passer par le regroupement et la CPTS pour bénéficier des aides de l’État pour le recrutement d’un poste d’« assistant médical » en particulier. Mi-médicaux, mi-admnistratifs, les 4 000 postes de ce nouveau métier seront financés dès 2019. « Nous les financerons autant que nécessaire », a indiqué Emmanuel Macron, arguant que le soutien apporté par ces assistants permettrait un gain de « temps médical » de 20 à 30 %, soit l’équivalent de 2 000 postes de praticiens. Le président a, par ailleurs, précisé qu’il souhaitait « l’extinction » de la pratique de la médecine en cabinet isolé d’ici à 2022.
4 L’HÔPITAL PUBLIC RELÉGUÉ EN DEUXIÈME LIGNE

Que l’hôpital soit privé ou public, les frontières entre les deux secteurs doivent tomber et les statuts des professionnels se mêler pour « coopérer », « s’associer », a expliqué Emmanuel Macron. L’hôpital sera réorganisé à l’aune de la « gradation des soins » pour en assurer « la qualité ». Trois niveaux d’établissement sont envisagés, conformes aux préconisations des experts du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie (HCAAM) dans un rapport de juin dernier. Les hôpitaux de proximité n’assureront plus que des soins de premier niveau, des soins de suite après hospitalisation pour les personnes âgées notamment. « Des services pourront fermer, d’autres ouvrir. Je préfère qu’une personne soit opérée à 50 kilomètres de chez elle plutôt que dans un hôpital où je ne mettrais pas mon enfant », a commenté le président, reléguant donc plus loin les soins spécialisés et encore plus loin les soins « ultra-spécialisés ». Les groupements hospitaliers de territoire (GHT) sont maintenus, mais Emmanuel Macron a annoncé que le privé siégerait désormais dans leurs instances, insistant une fois de plus sur la « coopération » public-privé, préconisant à titre d’exemple le partage de plateaux techniques. Emmanuel Macron a aussi évoqué le virage ambulatoire pour souhaiter son accélération, donc la poursuite de la suppression de lits, et appelé à une « révolution du numérique de la médecine ».
5 PAS DE RÉVOLUTION BUDGÉTAIRE POUR LES HÔPITAUX

Les effets funestes du paiement à l’acte, la fameuse tarification à l’activité ou T2A (course à l’activité, industrialisation du système de soins hospitaliers avec les conséquences que l’on sait sur les conditions de travail des personnels de l’hôpital public) avaient plus ou moins condamné le système. Le paiement au forfait, expérimenté à partir de 2019 pour deux pathologies chroniques, le diabète et l’insuffisance rénale, renversera-t-il la vapeur ? C’est peu probable puisque c’est encore l’activité de soins qui financera l’hôpital et rémunérera les médecins de ville. Quant à l’augmentation de l’objectif de dépenses d’assurance-maladie de 400 millions d’euros, elle pèse bien peu face aux deux milliards d’euros d’économies annoncées par dans le rapport annuel « charges et produits » de la Cnam qui préfigure le budget de la Sécurité sociale.

Les besoins urgents de la psychiatrie et des ehpad oubliés

Il aura fallu attendre la fin du discours d’Emmanuel Macron pour entendre parler quelques secondes des Ehpad et de la psychiatrie, censée pourtant être une priorité nationale. Alors que les deux secteurs sont en crise profonde, en fin de semaine, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, avait ouvert les vannes et promettait des mesures fortes. Pour l’heure, cela se résume à un fonds pour l’innovation et à la reconnaissance du statut d’infirmière à pratique avancée (IPA). Mais les psys s’interrogent sur l’inquiétante déclaration de la ministre, qui vient d’affirmer que « la pratique psychiatrique devait se rapprocher des soins courants ». Les hôpitaux psychiatriques seraient-ils sur la sellette ? Quant au plan d’urgence promis pour les maisons de retraite, il n’en aura pas non plus été question...

Sylvie Ducatteau

Pierre LAURENT et Patrick Le Hyaric

Discours de Pierre Laurent 
à la Fête de l'Huma 2018


Stand national des communistes

Grand meeting 
de la Fête de l'Humanité


Le discours de clôture de Patrick Le Hyaric lors du grand meeting 
de la Fête de l'Humanité sur la grande scène.

dimanche 16 septembre 2018

FÊTE DE L'HUMANITÉ 2018

Monique et Michel Pinçon Charlot dénoncent la justice des riches.


Pour étudier la "justice des riches", les sociologues Monique et Michel Pinçon Charlot, ont assisté au procès de Jérôme Cahuzac au cours duquel il était accusé d'avoir dissimulé 600 000 euros au fisc français


Éric Bocquet : "il faut récupérer l'argent de l'évasion fiscale"


Pour le sénateur communiste du Nord, la France a un rôle décisif à jouer en Europe pour lutter contre l'évasion fiscale.


Ian Brossat : « Airbnb à Paris, c’est 20.000 logements transformés en machine à cash »

Chargé du logement à la Mairie de Paris, l’adjoint d’Anne Hidalgo dénonce dans son nouveau livre « Airbnb la ville ubérisée » les conséquences catastrophiques de la plateforme de location dans la capitale. Rencontre.




POUR UN NOUVEL INTERNATIONALISME

FÊTE DE L'HUMANITÉ 2018

Leïla Shahid : « les Palestiniens ont besoin de solidarité internationale »


Face à la violence d’Israël contre la population palestinienne, Leïla Shahid, ancienne ambassadrice de la Palestine auprès de l'U.E., en appelle à la solidarité internationale, à l’occasion de l’inauguration du Village du Monde de la Fête de l’Humanité.

Ahed Tamimi à la Fête de l'Humanité



Ahed Tamimi, la jeune militante devenue une icone mondiale de la résistance palestinienne, lance un appel aux jeunes de France à la Fête de l'Humanité.

AMINATA TRAORÉ : "UN AUTRE REGARD SUR L'IMMIGRATION "


A la Fête de l'Humanité, l'ancienne ministre de la culture du Mali, Aminata Traoré, exhorte les européens à porter un autre regard sur l'immigration et sur l'Afrique.

MAURICE AUDIN, ENFIN !


61 ans après, la France vient enfin de reconnaître le meurtre du jeune mathématicien communiste Maurice Audin, en 1957 à Alger. Un point de départ pour élucider d'autres crime commis par l'État français en Algérie. La Fête de l'Humanité lui a rendu bel hommage en inaugurant une place à son nom.



jeudi 6 septembre 2018

Jean ZIEGLER

LE CAPITALISME EXPLIQUÉ À MA FILLE




GRAND ENTRETIEN
Jean Ziegler : « Il faut abattre le capitalisme »


Son combat à l’ONU contre la faim dans le monde en fit l’une des voix parmi les plus écoutées sur la planète contre le modèle ultralibéral à ses yeux responsable de l’aggravation des inégalités. Il vient de publier à charge radicale « Le capitalisme expliqué à ma petite-fille, en espérant qu’elle en verra la fin

– Comment expliquez-vous que votre livre soit déjà un succès d’édition ?

« Peut-être parce que je l’ai écrit non pas comme une analyse socio-économique de plus mais comme un récit pour Zohra, ma petite-fille. Les enfants ne se contentent jamais de réponses confuses alors j’ai essayé d’être clair pour expliquer l’ordre cannibale du monde imposé par l’oligarchie du capital financier qui règne en dictateur sur la planète. L’oligarchie, c’est cette poignée d’entreprises transnationales ou d’organismes financiers ultra-puissants qui dictent leur loi jusqu’aux États les plus puissants. La monopolisation des richesses et la maximisation des profits de ces oligarques leur donne plus de pouvoir qu’aucun roi ou pape n’a pu en avoir dans le passé, c’est terrifiant. »

– Comment en sommes-nous arrivés là ?


« Tout vient, bien sûr, de la création du système capitaliste au 19e siècle. Le mode de production qu’il met en place est le plus vivace, le plus inventif et créatif, le plus économiquement performant de tous. En mourant à Londres le 14 mars 1883, Marx était persuadé que le manque objectif (la différence entre les ressources disponibles et les besoins à satisfaire) allait accompagner l’Humanité pendant des siècles. Quelle erreur ! Le capitalisme a au contraire très vite créé l’abondance et la disparition du manque objectif grâce à ses révolutions industrielles et leurs progrès technologiques. Mais attention, ce même capitalisme a provoqué une monopolisation extrême des richesses au profit de quelques-uns, en conséquence de son extraordinaire créativité. »

– Le capitalisme, source de tous les maux de la Terre, n’est-ce pas caricatural ?

« On nous dit que la pauvreté globale recule, que les classes moyennes sont de plus en plus nombreuses. Mais deux milliards d’êtres humains n’ont pas encore un accès régulier à l’eau potable. Toutes les quatre minutes un être humain perd la vue par carence en vitamine A. Des épidémies d’un autre temps provoquent chaque année des dizaines de millions de morts. D’après la Banque mondiale, les 45 personnes les plus riches du monde ont vu leurs revenus progresser de 41 % l’an dernier alors que 4,7 milliards d’hommes ont vu une baisse de leurs revenus de 28 % dans le même temps. Pour eux, la troisième guerre mondiale a déjà commencé. Le capitalisme que j’accuse, c’est le scandale de la mort d’un enfant toutes les cinq secondes dans le monde, c’est un crime contre l’Humanité. C’est une évidence, le capitalisme est un danger mortel pour l’homme. En octobre dernier, l’organisation mondiale de la santé (OMS) a publié une étude importante, indiscutable. Plus de 62 % des cancers dans les pays riches sont dus à un environnement dégradé et à l’alimentation industrielle. »

– Mais le capitalisme n’est-il pas fait pour durer dans le monde actuel ?

« C’est sa victoire éclatante : faire croire qu’il n’y a pas d’autre choix car les forces du marché obéiraient non pas à la lutte des classes mais à des lois naturelles. L’homme croit ainsi lui-même à sa propre impuissance pour changer les choses. Je suis en octobre 2000 dans les salons du Reichtag, le parlement allemand à Berlin. Gerard Schröder, le chancelier de gauche subit des grèves très dures contre les délocalisations d’activités vers la Chine qui touchent la Ruhr industrielle. Je lui demande pourquoi tu n’interdis pas ces délocalisations alors que tu as la majorité absolue au Reichtag ? Il me répond que ce serait dangereux d’intervenir contre les forces du marché. Aujourd’hui, Angela Merkel et Emmanuel Macron ont tous les matins les yeux rivés sur les marchés financiers pour apprécier ce qu’il leur reste comme marges de manœuvre, ridicules. Et Trump n’est-il pas le laquais des oligarques financiers ? Obama avait par exemple interdit la vente de coltan qui est un minerai extrait au Congo par des enfants dans des conditions inadmissibles. Les sociétés minières ont hurlé et Trump leur a donné raison au nom de la liberté du marché. Au Guatemala, moins de 2 % des propriétaires fonciers possèdent 67 % des terres arables mais 112 000 enfants de moins de dix ans sont morts de faim en 2015. La solution, c’est une réforme agraire pour mieux répartir les produits de la terre. L’ambassadeur américain était violemment intervenu à l’ONU et rien ne change aujourd’hui. »

– Mais que peut faire le simple citoyen pour davantage de justice sociale ?


« C’est une conviction personnelle mais je suis certain que ma vie singulière a un sens. Nous sommes à la veille d’une vraie révolution et je crois à l’insurrection des consciences. Que va devenir le monde ? Je l’ignore, c’est tout le mystère de la société nouvelle. Les insurgés parisiens qui ont pris la Bastille en 1789 ne savaient pas qu’ils allaient déclencher la fin de la féodalité, la naissance de la République. La fin de l’esclavage, personne ou presque n’y croyait à l’époque où elle fut déclenchée. Même chose pour la fin du colonialisme ou l’émancipation de la femme… »

– Les présidents des entreprises multinationales ont le pouvoir, dites-vous. Que vous répondent-ils ?


« Je connais bien, entre autres, Peter Brabeck, l’ancien grand patron suisse de Nestlé, la première entreprise agroalimentaire mondiale. Il m’écoute bien sûr mais dit que si la misère persiste, c’est parce que les forces du marché ne sont pas encore complètement libérées. Son idéal, partagé par ses pairs, est un gouvernement du monde sans État, un monde privatisé. »

– Emmanuel Macron semble croire à la théorie selon laquelle la richesse des plus riches finirait par ruisseler vers les couches socialement moins favorisées, au bénéfice de la société entière. Qu’en pensez-vous ?

« Cette théorie de la pluie dorée, je l’entends partout dans les discours des oligarques financiers. Mais la redistribution automatique des richesses est une bêtise car le capitalisme contemporain n’a plus rien à voir avec la valeur d’usage, avec l’utilisation des richesses telle que pouvait la concevoir l’économiste Adam Smith par exemple. Le capitalisme a changé de nature et le ruissellement ne se produira jamais car il est d’abord devenu un moyen d’acquérir un pouvoir illimité. Arnault et Bolloré veulent toujours avoir plus. Le capitalisme est devenu une vraie pathologie et la cupidité est une obsession de plus en plus répandue. »

– Ce capitalisme financier est donc inéluctable ?


« On ne pourra pas le réformer, le réguler. Toutes les tentatives ont échoué partout dans le monde. Il faut abattre le capitalisme, celui qui créé tellement de problèmes que les partis d’extrême droite estiment qu’ils sont dus aux étrangers, aux migrants, aux ennemis imaginaires qui leur permettent de progresser si fort en France, en Italie ou en Allemagne. La crise climatique, la nouvelle conscience écologique est sans doute une nouvelle opportunité historique pour détruire ce capitalisme ultrafinancier, même si nous ne pouvons pas encore imaginer le monde qui nous attend vraiment. Voilà ce que j’ai voulu dire à Zohra, ma petite-fille ».

« Le capitalisme expliqué à ma petite-fille », édition du Seuil, 115 pages, 9 €.

Qui est Jean Ziegler ?

Ancien député socialiste suisse, il vit à Genève où il se fit connaître par son combat contre le paradis fiscal de son pays. Jean Ziegler fut ensuite le premier rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation. Il est actuellement l’unique vice-président du comité consultatif du Conseil des droits de l’homme, l’une des trois institutions fondamentales de l’ONU avec l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité. Auteur d’essais best sellers contre la faim dans le monde, il a notamment écrit Destruction massive, géopolitique de la faim (Seuil) et La Haine de l’Occident (Fayard).