Monsieur le Président,
Vous vous êtes engagé le 24 juillet à reconnaître l’État de Palestine lors de la prochaine réunion de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre prochain.
Il s’agit d’un pas en avant important pour notre pays, dans l’application du droit international, 37 ans après la proclamation de l’État de Palestine par Yasser Arafat, et 32 ans après les accords d’Oslo au terme desquels l’Organisation de libération de la Palestine avait reconnu l’État d’Israël.
Nos forces politiques portent elles-mêmes cette exigence. Cette décision doit toutefois n’être qu'une première étape.
Nous vous appelons solennellement, Monsieur le Président de la République, à aller jusqu’au bout de la démarche que vous avez annoncée. C’est ce qu’attendent nos compatriotes, toujours plus nombreux à vouloir que s’arrête le bain de sang au Proche-Orient. C’est aussi ce qu’attendent les peuples du monde du pays qui, le premier, a proclamé l’universalité des droits humains.
Dans un appel rendu public le 23 juillet, une centaine d’ONG, soulignent qu’une grande partie de la population de Gaza est à court terme menacée dans son existence par une famine de masse, du fait de la politique de blocus du gouvernement israélien. Gaza meurt de faim. De plus, la Knesset a appelé à annexer la Cisjordanie, en violation du droit international et des résolutions de l’ONU.
Aujourd’hui, après des bombardements qui ont fait d’innombrables victimes civiles, ce sont des milliers de Palestiniens qui sont menacés d’une mort certaine par une famine cyniquement organisée, et c’est tout un peuple que l’on cherche à expulser des territoires où il vit.
L’extrême gravité de la situation pour le peuple palestinien rend nécessaire une action concrète et immédiate face à la politique délibérée du gouvernement de Benjamin Netanyahou, qui entend rendre impossible la solution à deux Etats, ce qui plonge l’ensemble de la région du Proche et du Moyen Orient dans le chaos. L'urgence est aussi à la libération des otages israéliens encore détenus à Gaza.
Nous vous demandons d’agir dès à présent pour que l’État de Palestine, désormais reconnu par notre pays en sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité, dispose de tous les droits reconnus aux États membres de l’ONU, et pour qu’il dispose d’une capacité juridique internationale et d’une protection juridique internationale.
La conférence interministérielle sur la mise en œuvre de la solution à deux États, les 28 et 29 juillet prochains à New York, avec l’Arabie Saoudite, doit permettre d’aller dans ce sens.
Pour arrêter l’entreprise de massacres de masse et d’épuration ethnique en cours à Gaza, nous vous demandons de concrétiser votre annonce pour répondre aux deux urgences du moment.
La France doit en premier lieu œuvrer pour qu'une aide humanitaire massive soit apportée à la population gazaouie martyrisée. Et elle doit porter, auprès de ses partenaires, l’exigence de sanctions contre le gouvernement israélien, en particulier la suspension de l’accord d’association entre l’Union Européenne et l’Etat d’Israël tant que le droit international n’est pas respecté. Sur ces deux urgences, il lui revient de prendre la tête d’une coalition d’États prêts à agir immédiatement en ce sens.
Ne laissez pas les mains libres à l’actuel gouvernement israélien pour enterrer définitivement l’espoir d’une paix juste et durable entre les peuples israélien et palestinien, dans des États aux frontières sûres et reconnues. Et ce, au moment où des dizaines de milliers de citoyens d’Israël se dressent contre les entreprises criminelles de leur gouvernement.
Monsieur le Président, prolongez votre déclaration du 24 juillet, et agissez avant qu’il ne soit trop tard !
En vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien accorder à ces demandes, soyez assurés de notre haute considération.
Kobayat (Liban), envoyé spécial.
Georges Ibrahim Abdallah a un sourire éclatant. À 74 ans, il est fatigué, mais heureux d’avoir enfin retrouvé sa famille et son pays après plus de quarante ans passés dans une prison française. L’homme est debout politiquement. Il n’a pas été brisé. Il nous a reçus en exclusivité.
Georges Ibrahim Abdallah, vous êtes enfin libre après quarante ans d’emprisonnement en France. Comment vous sentez-vous ?
Je suis submergé par toute cette chaleur humaine et cette chaleur de lutte qui m’entourent en ce moment. La situation au Liban m’apparaît moins mauvaise, si l’on peut dire, que ce que je pensais. J’ai immédiatement senti une force vive du pays, qui n’a pas disparu.
Elle laisse espérer une continuation de la lutte et de la résistance. Surtout, je crois que la « somalisation » ou la « balkanisation » du Liban est écartée.
Qu’avez-vous ressenti à votre arrivée ici, au Liban, dans votre famille ?
Il est difficile de décrire mon émotion. J’ai été agréablement surpris. Les différentes forces politiques libanaises étaient présentes. Mais, surtout, il y a eu des scènes incroyables. Des hommes, des femmes, et des jeunes que je n’ai jamais vus sont entrés dans l’avion pour m’embrasser. J’ai immédiatement retrouvé le Liban.
L’adage « L’union fait la force » ne s’applique pas à l’Union européenne (UE). La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a consenti, dimanche, à un accord avec Donald Trump qui lèse le bloc européen. Une petite musique sonne faux : unis, les Européens pèseraient davantage. Faute d’entamer un bras de fer collectif avec Washington, les droits de douane des exportations des Vingt-Sept vers les États-Unis seront de 15 % quand le Royaume-Uni, qui a négocié seul, ne s’acquittera que de 10 %.
Un autre couplet ne convainc plus : premier marché européen, l’UE pourrait user de sa cohésion pour être une « puissance réglementaire » au niveau mondial. À rebours des engagements de la lutte contre le réchauffement climatique, von der Leyen a engagé les Européens dans l’achat d’hydrocarbures américains. Une part de ces ressources fossiles provient de sables bitumineux, ultrapolluants et qui ne sont pas exploités en Europe.
L’UE ne pèse pas parce qu’elle fait le choix de ne pas peser. Le disque selon lequel le bloc européen promeut des valeurs humaines et démocratiques est, lui aussi, rayé. Le 15 juillet, faute d’unanimité, les 27 n’ont pas suspendu l’accord d’association avec Israël, dont le blocus affame la population gazaouie. Il avait suffi de quelques jours pour sanctionner la Russie après l’annexion de la Crimée. Ce deux poids deux mesures décrédibilise aux yeux des peuples du Sud le discours sur le respect du « droit international » si souvent entonné par l’Europe, mais quand cela l’arrange.
En politique extérieure comme en politique commerciale, l’Union européenne paie sa dépendance vis-à-vis des États-Unis. Après cette capitulation sans conditions aux injonctions de Donald Trump, il faudra bien trouver de nouveaux débouchés aux entreprises qui exportaient jusqu’alors outre-Atlantique. Deux remèdes à cela : une véritable coopération avec les pays du Sud peu compatible avec le campisme occidental de l’UE, et une relance de la consommation intérieure aujourd’hui contraire à ses politiques austéritaires et libre-échangistes.