"La psychiatrie n'est pas aujourd'hui une priorité aux Hôpitaux du Léman"
vient de déclarer le directeur des HDL.
Aujourd'hui la psychiatrie thononaise fait encore l'actualité. La période de transition de la gestion, des Hôpitaux du Léman vers l'EPSM de La Roche sur Foron au 1er janvier 2020, se fait dans la douleur pour les équipes (manque crucial de médecins, projets de services au point-mort) comme pour les patients et les familles.
La mobilisation de 2016 avait permise de confirmer le maintien des services d'hospitalisation sur Thonon. Il faut maintenant un engagement ferme et définitif des deux directions (HDL et EPSM) et de l'ARS pour acter la construction de nouveaux bâtiments et le financement des services thononais par une dotation budgétaire au même niveau que ceux de La Roche.
C'est impératif pour redonner une perspective stable et un avenir serein pour les équipes et les patients.
C'est impératif pour redonner une perspective stable et un avenir serein pour les équipes et les patients.
Pour mémoire, ma prise de parole le 26 janvier 2016 lors de la manifestation à Thonon, toujours d'actualité à ce jour :
"On juge du degré de civilisation d'une société à la façon dont elle traite ses malades mentaux": C'est à partir de cette phrase de Lucien Bonnafé, psychiatre progressiste, l'un des inventeurs de la psychiatrie de secteur après la Libération, qu'il nous semble nécessaire de faire l'historique ayant conduit au marasme dans lequel se trouve aujourd'hui la psychiatrie dans le Chablais comme au plan national.
Dans les années 50, la découverte des neuroleptiques aidant, l’hôpital psychiatrique s'ouvre, un système de prise en soin avant-gardiste commence à se mettre en place avec la création de la politique dite « de secteur » pour permettre au patient de vivre et de se faire soigner au plus proche de son lieu de vie, de sa famille. Une loi est votée en 1960 attribuant pour chaque secteur géographique couvrant environ 80000 habitants une structure de soin de proximité dotée de lits d'hospitalisation complète, voire d'hospitalisation de jour, et de structures permettant des consultations et un suivi. Le patient est pris en charge dans sa globalité, psychique, physique, sociale par des équipes pluridisciplinaires assurant ses soins, son accompagnement, et le suivi de sa réinsertion sociale s'il y a lieu.
C'est dans ce contexte progressiste des années 70 que sont créées les trois structures d'hospitalisation psychiatrique de
Haute Savoie en 1976, dont celle de Thonon pour le Chablais. Déjà, dès sa création, le secteur chablaisien couvre une population supérieure aux autres secteurs de Haute Savoie sur un territoire plus étendu et accidenté, avec des effectifs infirmiers et médicaux réduits au strict minimum. La DASS de l'époque laissant présager une montée en charge des effectifs infirmiers et des dotations au fur et à mesure du rapatriement des patients chablaisiens hospitalisés alors à Bassens en Savoie, seul établissement habilité à accueillir la psychiatrie publique des deux départements avant 1975.
Au fil des années, les 43 lits octroyés se sont vite remplis mais la dotation n'a pas évolué sensiblement pour autant. Les effectifs infirmiers en hospitalisation complète non plus. Ainsi le secteur du Chablais est devenu, au bout de 40 années de disette l'un des deux secteurs psychiatriques les plus sous-dotés de France, avec toujours le même nombre de lits d'hospitalisation complète et les mêmes moyens humains, alors que la file active de patients suivis a explosé, dans un territoire qui a gagné plus de 50000 habitants.
La psychiatrie du Chablais a donc toujours été laissée pour compte, faisant toujours les frais d'autres priorités budgétaires, tant au plan psychiatrique départemental au profit des reconstructions à neuf des unités d'Annecy ou de La Roche sur Foron, qu'au plan local des Hôpitaux du Léman face au nouveau plateau technique ou du nouveau bâtiment de médecine. Ce furent des choix assumés par les décideurs que nous avons toujours contestés au nom de l'égalité d'accès au soin, la psychiatrie ne devant pas être traitée différemment des autres spécialités médicales.
Les années passant, l'entretien des bâtiments n'étant assuré qu'au strict minimum, des dégradations importantes sont apparues, la pluie a fait son apparition par la toiture du secrétariat, les plaques de plâtre des plafonds se sont décrochées à l'hôpital de jour… et la liste pourrait être longue... Tout a bien été fait pour que nous en arrivions au constat, par la commission de sécurité, que les bâtiments ne sont plus aux normes. L'ARS qui avait visité plusieurs fois l'avait constaté, les directions successives le savaient. Mais tous savaient aussi qu'une des recommandations de la lettre de mission des différents directeurs nommés aux Hôpitaux du Léman, au moins depuis 2008, était de rattacher la psychiatrie de Thonon à La Roche après les résultats d'un audit « téléguidé » par l'ARS annoncé depuis des années comme l'Arlésienne... Dans le même temps, le Projet de Santé Territorial pour la Haute Savoie publié par l'Agence Régionale de l'Hospitalisation en 2009 inscrivait noir sur blanc le scénario du rapprochement avec la Roche ou Annecy.
Ce projet de délocalisation n'est donc pas une erreur technique des technocrates comme certains voudraient le faire croire aujourd'hui pour masquer leur responsabilité. C'est l'application, stricte, d'une décision politique programmée, celle imposée par la recomposition des territoires de santé imposée par la loi Hôpital Patient Santé Territoire de Mme Bachelot votée sous la précédente majorité, poursuivie et aggravée par la récente loi Santé de Mme Touraine fin 2015.
En plus d'être un recul pour la démocratie sanitaire en confortant les pleins pouvoirs de l'Agence Régionale de Santé que lui avait donné la loi Bachelot, la loi Touraine engage une véritable déconstruction de la sectorisation psychiatrique telle que nous la connaissons, au profit de la création d'immenses territoires de santé, redistribuant ainsi toutes les cartes budgétaires et remodelant à sa guise toutes les activités des établissements. Le projet de l'ARS contre la psychiatrie du Chablais s'inscrit pleinement dans ce schéma.
Actuellement deux Territoires de Santé existent en Haute Savoie, un autour du CHAL d'Annemasse au nord et l'autre autour de l'hôpital d'Annecy au sud. L'objectif de la réforme est de n'en conserver à terme qu'un seul à Annecy pour tout le département.
Cette perspective est inacceptable. Elle éloignera encore plus les lieux de décision en privant le conseil de surveillance de notre établissement du peu de pouvoir de contrôle qu'il lui reste actuellement.
Certes la loi Touraine reconnaît les notions de soins de proximité, mais la continuité de ceux-ci est entendue comme la gestion d’un parcours de soins mais ne signifie plus une continuité relationnelle, pourtant si importante en psychiatrie , dans le suivi du patient par la même équipe, entre l’extra-hospitalier et l’intra-hospitalier.
Ce suivi du patient est bien au cœur de nos préoccupations par rapport au projet de délocalisation à La Roche à 45 kms.
L’unité du secteur disparaît donc officiellement comme base d’organisation de la psychiatrie publique. Celui-ci aurait pourtant pu être une source d’inspiration utile pour repenser les liens entre la médecine de ville et l’hôpital.
Cette politique tourne le dos aux besoins de la population et s’inspire d’une logique purement libérale et purement comptable. L'humain n'a plus sa place principale dans ce dispositif.
Notre manifestation d'aujourd'hui, le succès de la pétition, votre présence massive aux côtés des familles qui ont fait un travail de mobilisation remarquable, comme celle de très nombreux professionnels de santé et du tissu associatif, prouvent qu'il existe dans notre territoire des forces qui ne s'accommodent pas des décisions arbitraires prises sans tenir compte des besoins.
Cette formidable mobilisation ne devra pas être déçue, par des promesses non tenues ou par des votes nationaux contraires aux intérêts locaux, comme nous les subissons depuis trop longtemps.
Votre mobilisation, dans la diversité de vos opinions pour défendre ce service public menacé ne doit pas fléchir. Elle devra se poursuivre bien après cette manifestation pour garder la psychiatrie à Thonon dans des locaux reconstruits et avec une dotation remise à niveau, comme elle devra se renforcer dans la période à venir pour exiger que les Hôpitaux du Léman puissent bénéficier des aides nécessaires à leur développement et au maintien de toutes leurs spécialités en gardant une autonomie de gestion publique, et en rejetant tout partenariat public-privé.
Pour ce qui concerne nos organisations syndicales, nous sommes disponibles pour écrire,avec la population et à partir de ses besoins, la nouvelle page d'un projet de santé territorial répondant aux attentes des chablaisiennes et les chablaisiens.
Que l'ARS entende aujourd'hui notre détermination avec force, nous ne lâcherons rien !
"On juge du degré de civilisation d'une société à la façon dont elle traite ses malades mentaux": C'est à partir de cette phrase de Lucien Bonnafé, psychiatre progressiste, l'un des inventeurs de la psychiatrie de secteur après la Libération, qu'il nous semble nécessaire de faire l'historique ayant conduit au marasme dans lequel se trouve aujourd'hui la psychiatrie dans le Chablais comme au plan national.
Dans les années 50, la découverte des neuroleptiques aidant, l’hôpital psychiatrique s'ouvre, un système de prise en soin avant-gardiste commence à se mettre en place avec la création de la politique dite « de secteur » pour permettre au patient de vivre et de se faire soigner au plus proche de son lieu de vie, de sa famille. Une loi est votée en 1960 attribuant pour chaque secteur géographique couvrant environ 80000 habitants une structure de soin de proximité dotée de lits d'hospitalisation complète, voire d'hospitalisation de jour, et de structures permettant des consultations et un suivi. Le patient est pris en charge dans sa globalité, psychique, physique, sociale par des équipes pluridisciplinaires assurant ses soins, son accompagnement, et le suivi de sa réinsertion sociale s'il y a lieu.
C'est dans ce contexte progressiste des années 70 que sont créées les trois structures d'hospitalisation psychiatrique de
Haute Savoie en 1976, dont celle de Thonon pour le Chablais. Déjà, dès sa création, le secteur chablaisien couvre une population supérieure aux autres secteurs de Haute Savoie sur un territoire plus étendu et accidenté, avec des effectifs infirmiers et médicaux réduits au strict minimum. La DASS de l'époque laissant présager une montée en charge des effectifs infirmiers et des dotations au fur et à mesure du rapatriement des patients chablaisiens hospitalisés alors à Bassens en Savoie, seul établissement habilité à accueillir la psychiatrie publique des deux départements avant 1975.
Au fil des années, les 43 lits octroyés se sont vite remplis mais la dotation n'a pas évolué sensiblement pour autant. Les effectifs infirmiers en hospitalisation complète non plus. Ainsi le secteur du Chablais est devenu, au bout de 40 années de disette l'un des deux secteurs psychiatriques les plus sous-dotés de France, avec toujours le même nombre de lits d'hospitalisation complète et les mêmes moyens humains, alors que la file active de patients suivis a explosé, dans un territoire qui a gagné plus de 50000 habitants.
La psychiatrie du Chablais a donc toujours été laissée pour compte, faisant toujours les frais d'autres priorités budgétaires, tant au plan psychiatrique départemental au profit des reconstructions à neuf des unités d'Annecy ou de La Roche sur Foron, qu'au plan local des Hôpitaux du Léman face au nouveau plateau technique ou du nouveau bâtiment de médecine. Ce furent des choix assumés par les décideurs que nous avons toujours contestés au nom de l'égalité d'accès au soin, la psychiatrie ne devant pas être traitée différemment des autres spécialités médicales.
Les années passant, l'entretien des bâtiments n'étant assuré qu'au strict minimum, des dégradations importantes sont apparues, la pluie a fait son apparition par la toiture du secrétariat, les plaques de plâtre des plafonds se sont décrochées à l'hôpital de jour… et la liste pourrait être longue... Tout a bien été fait pour que nous en arrivions au constat, par la commission de sécurité, que les bâtiments ne sont plus aux normes. L'ARS qui avait visité plusieurs fois l'avait constaté, les directions successives le savaient. Mais tous savaient aussi qu'une des recommandations de la lettre de mission des différents directeurs nommés aux Hôpitaux du Léman, au moins depuis 2008, était de rattacher la psychiatrie de Thonon à La Roche après les résultats d'un audit « téléguidé » par l'ARS annoncé depuis des années comme l'Arlésienne... Dans le même temps, le Projet de Santé Territorial pour la Haute Savoie publié par l'Agence Régionale de l'Hospitalisation en 2009 inscrivait noir sur blanc le scénario du rapprochement avec la Roche ou Annecy.
Ce projet de délocalisation n'est donc pas une erreur technique des technocrates comme certains voudraient le faire croire aujourd'hui pour masquer leur responsabilité. C'est l'application, stricte, d'une décision politique programmée, celle imposée par la recomposition des territoires de santé imposée par la loi Hôpital Patient Santé Territoire de Mme Bachelot votée sous la précédente majorité, poursuivie et aggravée par la récente loi Santé de Mme Touraine fin 2015.
En plus d'être un recul pour la démocratie sanitaire en confortant les pleins pouvoirs de l'Agence Régionale de Santé que lui avait donné la loi Bachelot, la loi Touraine engage une véritable déconstruction de la sectorisation psychiatrique telle que nous la connaissons, au profit de la création d'immenses territoires de santé, redistribuant ainsi toutes les cartes budgétaires et remodelant à sa guise toutes les activités des établissements. Le projet de l'ARS contre la psychiatrie du Chablais s'inscrit pleinement dans ce schéma.
Actuellement deux Territoires de Santé existent en Haute Savoie, un autour du CHAL d'Annemasse au nord et l'autre autour de l'hôpital d'Annecy au sud. L'objectif de la réforme est de n'en conserver à terme qu'un seul à Annecy pour tout le département.
Cette perspective est inacceptable. Elle éloignera encore plus les lieux de décision en privant le conseil de surveillance de notre établissement du peu de pouvoir de contrôle qu'il lui reste actuellement.
Certes la loi Touraine reconnaît les notions de soins de proximité, mais la continuité de ceux-ci est entendue comme la gestion d’un parcours de soins mais ne signifie plus une continuité relationnelle, pourtant si importante en psychiatrie , dans le suivi du patient par la même équipe, entre l’extra-hospitalier et l’intra-hospitalier.
Ce suivi du patient est bien au cœur de nos préoccupations par rapport au projet de délocalisation à La Roche à 45 kms.
L’unité du secteur disparaît donc officiellement comme base d’organisation de la psychiatrie publique. Celui-ci aurait pourtant pu être une source d’inspiration utile pour repenser les liens entre la médecine de ville et l’hôpital.
Cette politique tourne le dos aux besoins de la population et s’inspire d’une logique purement libérale et purement comptable. L'humain n'a plus sa place principale dans ce dispositif.
Notre manifestation d'aujourd'hui, le succès de la pétition, votre présence massive aux côtés des familles qui ont fait un travail de mobilisation remarquable, comme celle de très nombreux professionnels de santé et du tissu associatif, prouvent qu'il existe dans notre territoire des forces qui ne s'accommodent pas des décisions arbitraires prises sans tenir compte des besoins.
Cette formidable mobilisation ne devra pas être déçue, par des promesses non tenues ou par des votes nationaux contraires aux intérêts locaux, comme nous les subissons depuis trop longtemps.
Votre mobilisation, dans la diversité de vos opinions pour défendre ce service public menacé ne doit pas fléchir. Elle devra se poursuivre bien après cette manifestation pour garder la psychiatrie à Thonon dans des locaux reconstruits et avec une dotation remise à niveau, comme elle devra se renforcer dans la période à venir pour exiger que les Hôpitaux du Léman puissent bénéficier des aides nécessaires à leur développement et au maintien de toutes leurs spécialités en gardant une autonomie de gestion publique, et en rejetant tout partenariat public-privé.
Pour ce qui concerne nos organisations syndicales, nous sommes disponibles pour écrire,avec la population et à partir de ses besoins, la nouvelle page d'un projet de santé territorial répondant aux attentes des chablaisiennes et les chablaisiens.
Que l'ARS entende aujourd'hui notre détermination avec force, nous ne lâcherons rien !
Michel Vuillaume