Menu du Blog

S'abonner au blog permet d'être averti par courriel de la publication de tout nouvel article. Pour cela remplissez les champs en haut de la colonne de droite et cliquez sur Envoyer

Article épinglé

ABONNEZ VOUS AU BLOG!

Pourquoi? Comment? Quoi d'autre? Tout ce que vous voulez savoir!

dimanche 23 septembre 2018

UN CRI D’ALARME


SPORTS : UN CRI D’ALARME MONTE DU TERRAIN

Un an après l’obtention des JO 2024, la France met le sport à la diète pour mieux l’abandonner au privé. Cette remise en cause du « sport pour tous » affaiblit le dispositif qui permet de détecter les futurs champions.


307 000 associations sportives en France - 3,5 millions de bénévoles - 18 millions de licenciés.

«Pourquoi avoir bataillé pour avoir les JO 2024 si c’est ensuite pour réduire les moyens ? » Mélina Robert-Michon, vice-championne olympique du lancer de disque, est la première à lâcher ce que beaucoup pensent tout bas. Deux mois après le triomphe des Bleus à la Coupe du monde, la France se réveille avec la gueule de bois. La lettre de « cadrage » envoyée par Matignon au ministère des Sports est un carnage : baisse de 6,2 % du budget 2019, après une diminution de 7 % en 2018. 1 600 postes – la moitié des effectifs du ministère – sont sur la sellette, dont les conseillers techniques sportifs. Ces CTS sont « assez méconnus », reconnaît Philippe Bana, le président de l’Association des directeurs techniques nationaux. Ils sont pourtant la colonne vertébrale du sport français : animation, formation, détection des talents… « Dans les territoires, ils se cassent le trognon à faire des plans de développement, à former les éducateurs. En handball par exemple, ils en forment 20 000 chaque année. Ce n’est pas que du haut niveau. Ils fabriquent aussi le baby handball pour les 3-6 ans. C’est toute l’ingénierie du sport »


Rémunérés par l’État, ces agents exercent dans les fédérations. Il faut bien comprendre que l’organisation du sport français leur est déléguée. Chaque fédé organise sa discipline. À cela s’ajoutent, les fédérations omnisports et affinitaires, comme la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT, lire page 41). Le tout est chapeauté par le Cnosf (Comité national olympique du sport français). « Les CTS sont le dernier carré du service public du sport », revendique Philippe Bana. Ils sont garants d’un droit au sport pour tous, pour les 107 fédérations agréées par l’État, 307 000 associations sportives et 18 millions de licenciés.

Depuis des années, le sport prend des coups
La nouvelle ministre des Sports, l’ex-nageuse Roxana Maracineanu, a voulu rassurer, il n’y aura pas de « suppression », mais « les CTS ne seront plus forcément fonctionnaires ». En clair, ils devront être payés par quelqu’un d’autre ! Pour Philippe Bana, « on nous rejoue le coup de 1996. Pendant les JO d’Atlanta, on avait déjà voulu les supprimer. À l’époque, Chirac avait mis le holà. Trois fédérations s’y étaient laissé prendre. L’État leur promettait 200 000 francs par an par cadre. Après deux ans, il n’y a plus eu d’argent ».

Si quelques dirigeants de fédération aimeraient récupérer ces cadres d’État et être leur seule tutelle, la majorité ne « pourra pas », prévient Philippe Bana. Il faudrait 120 millions d’euros, selon un rapport de la Cour des comptes. Certains en auraient les moyens, les riches fédérations du foot ou du rugby par exemple. Pas les autres. À la FSGT et ses 300 000 pratiquants, c’est « inenvisageable, on ne pourra pas garder nos 6 CST », explique Emmanuelle Bonnet-Oulaldj, coprésidente de la FSGT.

Ces postes ne sont que la partie visible d’une casse plus large du sport pour tous. Depuis des années, le sport prend des coups. Encore plus avec ce gouvernement : baisse des dotations aux collectivités qui financent l’essentiel du sport amateur, plafonnement de la taxe Buffet sur les droits télé, baisse du budget du CNDS (Comité national pour le développement du sport). « Cela dessine une volonté de libéraliser le sport. Un conseiller de M. Macron nous l’a clairement dit : “Il faut libéraliser la concurrence dans le sport” », explique Emmanuelle Bonnet-Oulaldj. Conséquences, explosion des salles privées, hausse du prix des licences… Et au final, un sport moins accessible.

Dans le Val-de-Marne, à Champigny, Philippe Sudre, l’adjoint au sport (PCF), a lui aussi sorti la calculette : « L’an dernier, la ville a perdu 17 millions de dotations. À contrecœur, on a amputé le budget sport de 300 000 euros. Concrètement, ça veut dire qu’on a réduit les heures supplémentaires des agents, et qu’on ferme plus tôt certains équipements. »

« Pas de champions sans amateurs ! »
La ville ne reçoit aucune subvention de l’État dédiée au sport. Alors elle doit faire des choix. « On en a fait une priorité politique. Mais nous avons dû retarder la réfection de la piscine, obsolète », continue l’élu. Ici, on mêle sport de haut niveau et pour tous. « Il n’y a pas de secret, pour avoir des champions, il faut de l’amateur. » Champigny, c’est 1 million d’entrées sur ses 30 équipements pour 76 000 habitants… Et des médailles : 3 aux derniers JO. La ville est classée 37e au monde en termes de résultats aux JO.

Au cœur de la pratique, il y a les équipements, toujours à la charge des collectivités. « Les équipements datent des années 1970. Il n’y a pas eu de plan depuis. Dans certains clubs, il y a de longues files d’attente pour accueillir les pratiquants. Symboliquement, dans le 14e arrondissement de Paris, des parents ont campé le jour des inscriptions devant le gymnase Alice-Milliat », explique Emmanuelle Bonnet-Oulaldj.

Prenons les piscines, « en Seine-Saint-Denis, pour 2 millions d’habitants, il y en a 35. Un enfant sur deux ne sait pas nager en entrant en 6e… L’été dernier a été le plus meurtrier en termes de noyade. On ne fera pas de miracle », prévient la coprésidente de la FSGT.

La réorganisation du modèle est dans les tuyaux. Le Comité action publique 2022, mis en place pour réformer l’État, envisage déjà la suppression du ministère des Sports. Une agence devrait voir le jour, dans la douleur, au premier semestre 2019. À son budget, 400 millions pourraient être consacrés au haut niveau (soit 50 millions de moins que le budget total du ministère). « C’est tout simplement un contresens. Y aura-t-il encore un projet politique sportif ? » interroge Marie-George Buffet, ancienne ministre des Sports. Les Anglais ont fait le choix d’abandonner un ministère. Avec pour résultat la baisse de la pratique.

La fronde s’organise déjà dans les clubs et les fédérations, ils devraient se faire entendre du 20 au 23 septembre lors de la Fête du sport.

Pia de Quatrebarbes