Communiqué de presse - Les paysans doivent pouvoir vivre de leur travail
Depuis maintenant plusieurs jours, un peu partout en France, les agriculteurs se mobilisent. Le mouvement vient d’arriver dans notre département, la Haute-Savoie, avec le blocage vendredi 26 janvier de l’autoroute A41. Les raisons de se mobiliser sont nombreuses et légitimes quand on sait, par exemple, que près d’un agriculteur sur cinq vit en-dessous du seuil de pauvreté. Le modèle économique agricole actuel ne peut ni répondre aux besoins alimentaires de la population, ni permettre aux paysans de vivre et de travailler dignement. Et ce ne sont pas les mesurettes annoncées par le premier ministre qui permettront de redresser la barre.
Après plusieurs décennies d’intégration du secteur agricole au marché capitaliste, le constat est sans appel ; une partie du monde agricole ne peut plus vivre de son travail. Sur un produit fini, une très large partie de la valeur ajoutée est aujourd’hui captée par les grands groupes agro-alimentaires et par les grandes surfaces, bien peu revient aux paysans. Quand on achète un kilo de légumes, on rémunère avant tout l’actionnaire plus que le paysan !
Le problème est accentué par les politiques menées par nos différents gouvernements au niveau national et européen. Les accords de libre-échange, la PAC, la fin des quotas (par exemples sucriers) et la mise en concurrence des productions, ont contribué à faire pression à la baisse sur les prix en permettant les importations massives. Imaginons une famille qui disposerait d’un jardin produisant d’excellents légumes et qui irait acheter ceux que propose le grand marché international. Que dirait-on ? Qu’ils sont fous ! C’est pourtant à cela que conduisent les divers traités de libre-échange conclus par la France et l’UE. Alors que les producteurs français sont soumis à des règles pour produire une alimentation saine et de qualité, le commerce international joue la concurrence en important massivement une production fournie par une main-d'œuvre sous-payée et souvent avec des normes sanitaires très insuffisantes.
Toutes ces politiques ont poussé le monde agricole dans la course au gigantisme. Ce serait une exploitation toujours plus grande, un investissement toujours plus massif et des crédits toujours plus importants qui permettraient de s’en sortir. Si cela est effectivement le cas pour une partie des agriculteurs, devenus patrons, ce n’est pas le cas pour les autres qui ont vu leurs conditions de travail se dégrader très largement. Quel sera l’avenir du monde agricole ? Verra-t-on le nombre d’exploitations encore se réduire au profit de grandes exploitations capitalistes ? Ou au contraire permettra-t-on à des jeunes de créer de nouvelles exploitations agricoles à taille humaine ?
La réponse à une telle crise ne peut en aucun cas se résumer aux annonces faites par le premier ministre. Un projet agricole en rupture totale avec les règles actuelles doit se construire, et il doit avoir deux objectifs clairs : permettre la réponse aux besoins alimentaires de la population et assurer aux paysans de pouvoir vivre et travailler dignement. Cela commence par la mise en place d’un prix des productions rémunérateur permettant aux paysans de vivre. Les richesses ne peuvent plus être captées par les groupes prédateurs de l’agro-alimentaire et du commerce. Il faut également rompre avec la logique de la PAC. Un paysan doit pouvoir vivre de son travail comme n’importe quel travailleur et ne doit pas avoir à compter sur des subventions pour survivre.
Nous ne sommes cependant pas dupes. Un tel projet ne pourra se construire que par la mobilisation des paysans, de leurs organisations progressistes et des travailleurs du pays. Les organisations agricoles majoritaires, FNSEA en tête, sont entièrement responsables, elles aussi, de la situation actuelle. Quel crédit peut-on accorder à une organisation qui, depuis des décennies, gère main dans la main avec les différents gouvernements, la politique agricole ? Quel crédit peut-on accorder à une organisation dirigée par un ancien trader de produits agricoles, aujourd’hui à la tête d’un des plus grands groupes agro-alimentaires ? Attendre sur la FNSEA pour améliorer le sort des paysans c’est un peu comme attendre sur le MEDEF pour améliorer les conditions salariales !
Nous ne sommes pas non plus dupes des jeux politiciens menés actuellement. Tout le monde, aujourd’hui, s’affiche comme étant le meilleur défenseur des agriculteurs. L’extrême-droite et le gouvernement espèrent tirer parti du mouvement actuel en vue des élections européennes de juin prochain. La complaisance affichée de Darmanin, d’habitude si prompt à envoyer les CRS à la charge contre les manifestants, en est le symbole. Le RN a beau jeu de dire que s’ils arrivent aux commandes ils résoudront tous les problèmes du secteur alors qu’ils ne remettent jamais en cause les règles de la libre concurrence. Rappelons que les députés des groupes Renaissance, LR et RN (dont J. Bardella) ont voté pour la PAC que ces partis fustigent actuellement sur les plateaux de TV. Leurs attaques poujadistes contre les normes sociales ou écologiques qui vont dans le sens du progrès cache leur soutien inconditionnel au systéme de concurrence capitaliste qui mène à la fin des exploitations individuelles au profit de fermes-usines.
Le Parti communiste français de Haute-Savoie milite donc pour un changement radical de cap menant à la sortie du secteur agricole du marché capitaliste. Nous apportons tout notre soutien aux organisations paysannes progressistes mobilisées actuellement, MODEF et Confédération paysanne en tête.
La Fédération de Haute Savoie du Parti communiste français.
Le 28 janvier 2024