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jeudi 8 août 2024

« Un plan social sans précédent » : à la protection judiciaire de la jeunesse, des économies sur le dos des mineurs

Un préavis de grève déposé pour le mardi 14 août

 En pleine période estivale, la direction de la PJJ a annoncé devoir réaliser 1.6 à 1.8 millions d’euros d’économies. L’intersyndicale mène la bataille pour préserver les près de 500 postes de contractuels menacés. Leurs disparitions mettraient en péril la prise en charge des mineurs. Un préavis de grève a été déposé.

Dans les couloirs de la protection judiciaire de la jeunesse, depuis février la rumeur circulait déjà à grand bruit. Mais le couperet est tombé le 31 juillet, quand Caroline Nisand, aux manettes de l’institution, a réuni les syndicats et les directions interrégionales. L’annonce est brutale : 1,6 à 1,8 million d’euros doivent être économisés avec pour conséquence le non-renouvellement de postes de contractuels.


« La rencontre était complètement hors-sol. Nous avons été confinés au silence », rapporte Béatrice Briout, secrétaire générale Unsa SPJJ, « La directrice de la PJJ s’est présentée selon ses mots « dans une volonté de transparence » mais elle n’a communiqué aucun chiffre sur le nombre d’emplois concernés ». Aurélie Posadzki, représentante de la CGT PJJ poursuit : « c’était une pure démonstration d’amateurisme, l’ exemple d’une décision prise dans la précipitation pour pallier des mois de mauvaise gestion ».

500 postes en moins pour seulement 0,30 % d’économies

Et pour cause, les dépassements budgétaires invoqués par la direction de la PJJ afin de justifier sa politique étaient, selon les syndicats, prévisibles et anticipables depuis longtemps. Parmi eux : la prime destinée aux agents travaillant durant la période des Jeux olympiques et celle de fidélisation du personnel officiant en Seine-Saint-Denis« Donc rien de nouveau sous le soleil », tempête Béatrice Briout.

Pour se justifier, Caroline Nisand invoque pelle mêle les économies imposées à toutes les institutions d’État, prévues par décret du 27 février 2024. « Pourtant, à la date de sa parution la direction nous avait garanti que ça ne toucherait pas les ressources humaines. Aujourd’hui elle fait l’inverse et assure devoir répondre aux injonctions de Bercy qui pointe du doigt un dépassement du plafond d’emploi », insiste la représentante syndicale.

Marc Hernandez, co-secretaire national du SNPES-PJJ/FSU, complète : « nous sommes face à un gouvernement démissionnaire, mais Bercy, lui, continue à imposer ces politiques d’austérité et la DPJJ y répond en totale roue libre ».

Dans la foulée de cette rencontre, la réponse des organisations syndicales est immédiate. Pour mener la lutte contre « un plan social sans précédent », l’Unsa SPJJ, la CFDT, la CGT PJJ et le SNPES se constituent en intersyndicale. Et elles font le calcul. « Pour réaliser une économie de seulement 0,30 % sur le budget total consacré aux ressources humaines, ce serait 7 % de la masse salariale qui serait condamnée, soit près de 500 postes de contractuels », affirme Marc Hernandez.

« La direction estime qu’il faudrait poursuivre cet effort durant deux mois, afin que Bercy ouvre finalement notre droit de puiser dans la réserve budgétaire. Ce, après quoi elle s’engagerait à rouvrir les embauches. Nous n’y croyons pas une seconde ! » tance l’élu syndical.

Et même si c’était le cas, une question demeure pour Aurélie Posadzki, celle de la continuité du service public. « Que deviennent les jeunes qui sont sous la responsabilité de ces agents durant cette période d’austérité ? Ils ont en majorité été abandonnés par leurs familles. Qu’est-ce qu’on va leur dire ? Ton éducateur est parti mais il va peut-être revenir dans trois mois ? C’est une façon de mettre le cœur de notre métier à la poubelle et de faire primer la gestion budgétaire sur les missions de l’institution », peste la représentante CGT.

L’intersyndicale dénonce dans la foulée une politique totalement déshumanisante pour les travailleurs : « Nous avons beaucoup de témoignages qui remontent de la part de contractuels qui ont peur pour l’avenir. Certains avaient déménagé, quitté leur emploi précédant en vue de leur contrat avec la PJJ. Et finalement, l’institution leur ferme la porte. D’autres étaient partis en vacances. Leur promesse de réembauche part en fumée. Derrière ces professionnels, il y a des familles plongées dans la précarité par cette décision brutale. »

Un préavis de grève déposé pour le mardi 14 août

À force d’insister, l’intersyndicale décroche un rendez-vous avec le cabinet du ministère de la Justice, mardi 6 août. « Au cours de cette réunion, elle a été informée du dégel de 3 millions d’euros, obtenus auprès de la direction du budget. Ce déblocage permettra à la PJJ de solutionner en grande partie les difficultés de renouvellement de contrats auxquelles elle est confrontée », promet le ministère de la Justice contacté par l’Humanité.

Mais vingt-quatre seulement après « ces annonces significatives pour le budget de la PJJ, Caroline Nisand s’entête en affirmant que ces 3 millions d’euros débloqués ne serviront pas à l’embauche », rapporte Béatrice Briout, effarée.

En témoigne la lettre ouverte adressée par l’intersyndicale à la directrice en charge de l’institution : « Votre silence assourdissant est un très mauvais signal. Les informations que nous avons des terrains sont détestables et nous scandalisent : les personnels continuent de recevoir des notifications de non renouvellement de leur contrat et les directions territoriales et régionales nous laissent entendre qu’il ne serait pas question de revenir sur votre plan social ». L’intersyndicale a déposé un préavis de grève à partir du 14 août.