Les GdM : On parle depuis quelques années de 40 % de réduction des dotations de l'État aux communes. On a eu la transformation et la réduction de la taxe professionnelle et aujourd'hui donc il est question de supprimer la taxe de production payée par les
entreprises. Après la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences
principales, Quel est l'impact exactement pour Cervens et pour l'Agglomération de Thonon ?
G.T : Alors déjà pour Cervens, je vais rectifier un petit peu parce qu'on n'a pas une suppression de la taxe d'habitation. C'est une exonération, ça veut dire que c'est une compensation de l'État sur la taxe 2020 à l'euro près. Le problème pour nous, c'est qu'on sait qu'à chaque fois que l'État a mis en place ce genre de système, au bout d'un certain temps il a commencé à diminuer les plafonds sur lesquels il s'était engagé.
Et quelque part on en perd les les subsides. C'est le premier point.
Le second c'est que la taxe d'habitation nous était un levier propre pour lever le taux et l'impôt. Et ça permettait quand même de choisir et de nous permettre, à un moment donné, de relancer une dynamique. En Haute-Savoie, nous avons quand même la chance d'avoir des bases dynamiques, donc ce qui nous permet d'avoir un produit fiscal qui avance un peu mais il ne nous reste plus que la taxe foncière comme levier de lever de fonds. C'est pour ça qu'on voit en ce moment dans les articles de presse des communes qui ont augmenté fortement leur taxes foncières, parce qu'il y a plus que ça comme levier de recette à utiliser.
A Cervens, nous n'avons pas touché à la taxe foncière l'année dernière, on ne l'a fait qu'une fois à mi-mandat ,et nous nous sommes engagés à ne pas le faire et à trouver d'autres solutions.
Les GdM : Comment les collectivités locales font-elles pour ne pas trop pénaliser les habitants ?
G.T : On fait des choix. De toute façon, on vote un budget en équilibre. Donc si nos recettes sont en baisse, notamment par rapport aux dotations, et bien forcément on va réduire nos investissements, nos fonctionnements. De toute façon on essaie d'être les plus rigoureux possible pour dépenser l'euro le plus utile à la population.
Mais on a des dépenses qui sont incompressibles et on joue sur nos investissements, et c'est notre capacité d'autofinancement qui est perdante. Aujourd'hui une collectivité qui n'investit pas c'est une collectivité qui va vieillir de toute façon parce que ses infrastructures vont se délabrer et ça coûtera encore plus cher dans quelques années de pouvoir les renouveler et de réinvestir.
Donc quand on ne peut pas investir ça nous bloque sur l'évolution, et c'est sur les coûts d'investissement que nous jouons parce que sur le fonctionnement il est difficile de réduire les services qui aujourd'hui déjà sont difficiles à maintenir dans leur performance et leur qualité.
Et puis l'autre levier, celui que nous ne voulons pas, c'est remettre la pression sur les ménages. Donc quand on ne veut pas élever la fiscalité parce qu'on l'estime déjà assez forte et bien il faut réduire les dépenses, et aujourd'hui nous nous y opposons.
Les GdM : Venons-en maintenant au projet de budget 2025 de l'État. Il est question d'une nouvelle baisse des dotations de 5 milliards d'euros envers les collectivités territoriales. Nous disposons de quelques chiffres pour le département soit – 29 millions d'euros dont dans le Chablais -1,1 million d'euros pour la ville de Thonon. As-tu une connaissance plus précise de ces chiffres, et si c'est confirmé, comment expliquer que l'Agglomération de Thonon ne soit pas concernée, ni celle d'Evian ?
G.T : Alors en détail je ne connais pas précisément les critères qui ont déterminé l'État à choisir ses intercommunalités ou ses communes. J'ai cru entendre vendredi dernier au congrès des Maires que c'était lié au nombre d'habitants et à une certaine capacité financière de chacune des communes.
Je partage les propos des différents maires qui se sont prononcés lors de cette assemblée générale, parce qu'aujourd'hui c'est injuste de taper sur les collectivités territoriales. Nous votons des budgets en équilibre, et on sait que dans la dette de l'État l'ensemble des collectivités territoriales ne pèse que 8 %. Je trouve qu'aujourd'hui dans le plan de finances 2025 on focalise beaucoup trop d'une part sur les dépenses de ces collectivités, et encore plus sur la problématique de la fonction publique territoriale.
Donc 1 million d'euros perdu pour Thonon doit être difficile à avaler pour le maire de Thonon, et avec une perte double pour la ville d'Annemasse et l'agglomération d'Annemasse je pense que ça doit irriter au plus haut point les élus locaux qui tous les jours œuvrent pour essayer d'avoir des comptes équilibrés.
L'autre point qui sort de ce plan de finances et qui est important, c'est la remise en route du fond de péréquation entre communes, qui est lié de longue date à la transformation de l'assiette sur la taxe professionnelle qui existait avant. Et aujourd'hui, en gros, les communes qui sont considérées « plus riches » doivent donner pour les communes considérées plus pauvres.
En Haute-Savoie, nous avons quasiment toutes les communes qui participent à ce fond de péréquation, et ça inquiète beaucoup les élus de voir repartir la machine parce que ça devait être temporaire. Aujourd'hui ça repart sur une dynamique qui va encore engendrer des coupes dans nos budgets. Et c'est sûr que nous sommes tous inquiets par rapport à l'ampleur de ce que ça peut représenter.
Mais les communes qui reçoivent en ont besoin aussi, et c'est toujours délicat de pouvoir avancer aussi sur ce sujet.
Les GdM : Tu as participé vendredi dernier au congrès des maires de Haute-Savoie. Quelles sont les réactions de nos édiles dans un département très favorable à la droite ?
G.T : Je suis élu depuis 2001, maire depuis 2008, donc ça doit faire 24 ans que je participe au congrès des maires. A chaque fois que nous avons eu des ministres, on a eu aussi un Premier ministre qui est venu nous voir, il y avait vraiment un accueil très chaleureux dans l'assemblée. Là, je me suis dit qu'avec Antoine Armand, élu haut savoyard, on pouvait s'attendre à une ovation. Et en fait non, ce fut assez froid.
J'ai trouvé l'écoute attentive, mais perturbée par toutes les problématiques du plan de finances qui venait d'être divulgué. C'est rare qu'en Haute-Savoie, les élus de la République, qui sont souvent de majorité de droite, soient accueillis avec aussi peu d'enthousiasme.