« Il ne faut pas s’étonner qu’un parti démocrate qui a abandonné les classes populaires s’aperçoive que les classes populaires l’ont abandonné.
Cinglante formule. Elle l’est d’autant plus lorsque l’on connaît l’identité de son auteur : Bernie Sanders. Dans son premier communiqué post-élection, le sénateur (réélu) du Vermont a moins posé un diagnostic qu’ouvert un débat au sein d’une coalition démocrate qui a subi un revers d’une ampleur jamais envisagée, ouvrant la voie au retour dans le bureau ovale d’un Donald Trump infiniment mieux préparé qu’en 2016.
Droits des minorités, politique migratoire, crise climatique, guerres en Ukraine et Proche-Orient, relation avec la Chine… le milliardaire Donald Trump va insuffler sa révolution conservatrice aux États-Unis et dans les relations internationales. Un séisme sur lequel certaines forces politiques en France tentent de surfer.
Kamala Harris enregistre le plus faible score d’un candidat démocrate depuis John Kerry en 2004, voire Bill Clinton en 1992. Son score devrait à peine se hisser au-delà des 48 % au terme du dépouillement en Californie, toujours en cours à l’heure où ces lignes étaient écrites. Elle a perdu 10 % des électeurs de Joe Biden en 2020 et les sept « swing states » (États pivots) en jeu. La participation des Africains-Américains a connu un recul historique, tandis que, pour la première fois, les hommes latinos ont placé en tête le candidat républicain, des pertes massives d’électeurs traditionnels démocrates que n’ont pas compensé les maigres percées parmi les plus diplômés.
C’est tout le château de cartes stratégique bâti par la campagne Harris qui s’est effondré mardi 5 novembre. La campagne centriste, sans contenu programmatique identifiable, et très ciblée devait permettre de remporter (au moins) les trois États du Midwest (Pennsylvanie, Michigan et Wisconsin) grâce au ralliement plus ou moins massif des femmes blanches « modérées » des banlieues, horrifiées par les politiques antiavortement des républicains et la personnalité de Donald Trump.
Le « référendum » n’était pas là où le pensaient les stratèges démocrates : il a porté sur le bilan de Joe Biden et l’absence de projet de changement de Kamala Harris. L’addition se paie au prix fort : celle de politiques qui n’ont pas changé la trajectoire d’inégalités sociales sans cesse grandissantes, d’un déni de réalité sur l’inflation et le pouvoir d’achat, sans parler de l’entêtement de Joe Biden à concourir pour un second mandat.