DEUX REFLEXIONS SUITE A L'ELECTION DE DONALD TRUMP AUX ETATS-UNIS
Roger Martelli puis Jean-Michel Galano ont réagi à l'élection "brillante mais sans surprise" de Donald Trump aux Etats-Unis
ETATS-UNIS : DES FAITS A INTERPRETER.
Bien sûr, la victoire de Trump s’inscrit dans un contexte mondial de montée des nationalismes, de la xénophobie et de la violence.
Bien sûr, il y a sur toute la planète, de la Russie au Brésil en passant par l’Inde et l’Europe, quelque chose comme une marée brune, amalgame de peurs, d’irrationalisme, de soumission au chef, de recul de la citoyenneté.
Bien sûr, les puissances d’argent, les lobbys des armes et les milieux d’affaires ont dépensé des sommes colossales pour soutenir Trump et Musk.
Bien sûr, la campagne des Démocrates, avec un changement précipité de candidat en cours de route, a été terne et trop défensive.
Mais l’essentiel est ailleurs.
Si les Démocrates ont perdu, c’est qu’ils ont laissé les questions de fond à leurs adversaires, qui ont eu toute latitude pour imposer leurs solutions simplistes.
Et les questions de fond, ce sont les questions sociales : emploi, pouvoir d’achat, logement, transports, services publics.
Dans un pays où l’inflation est massive, où l’insécurité est la règle, où les plus pauvres sont mis en concurrence impitoyablement, où l’inégalité dans l’accès aux soins, à l’éducation, à la sécurité est flagrante, ce qui crève les yeux c’est l’inaptitude du capitalisme à satisfaire les besoins d’une société moderne.
Cette inaptitude, il fallait la dénoncer, et surtout montrer que d’autres choix et d’autres logiques sont possibles et nécessaires.
Alerter sur les dangers bien réels que Trump et son équipe font courir aux femmes, aux minorités, à la paix et aux libertés fondamentales, c’était absolument nécessaire et les Démocrates l’ont fait : mais cela ne saurait suffire face à des populations confrontées au dur de la vie.
Le vote démocrate est de moins en moins un vote populaire. Il est fort dans les milieux urbains éduqués, beaucoup moins dans les quartiers populaires.
Sommes nous si loin de cette situation en France ?
Il y a quelques années, certains idéologues de la social-démocratie proposaient à la gauche d’abandonner définitivement le monde ouvrier à l’extrême-droite et de se concentrer sur les classes moyennes et supérieures, supposées indifférentes aux questions sociales et préoccupées essentiellement du sociétal, du symbolique et du virtuel.
Une partie de la gauche a succombé à cette tentation. Faut-il s’étonner des conséquences ?
Impuissant à résoudre sa crise structurelle, le capital s’enfonce dans des choix de plus en plus nocifs pour la société, en sacrifiant l’industrie à la finance, l’emploi à l’assistanat, la paix au militarisme.
Ne pas vouloir regarder ces réalités en face, c’est la défaite assurée. Et pas seulement aux Etats-Unis!
Bien sûr, il y a sur toute la planète, de la Russie au Brésil en passant par l’Inde et l’Europe, quelque chose comme une marée brune, amalgame de peurs, d’irrationalisme, de soumission au chef, de recul de la citoyenneté.
Bien sûr, les puissances d’argent, les lobbys des armes et les milieux d’affaires ont dépensé des sommes colossales pour soutenir Trump et Musk.
Bien sûr, la campagne des Démocrates, avec un changement précipité de candidat en cours de route, a été terne et trop défensive.
Mais l’essentiel est ailleurs.
Si les Démocrates ont perdu, c’est qu’ils ont laissé les questions de fond à leurs adversaires, qui ont eu toute latitude pour imposer leurs solutions simplistes.
Et les questions de fond, ce sont les questions sociales : emploi, pouvoir d’achat, logement, transports, services publics.
Dans un pays où l’inflation est massive, où l’insécurité est la règle, où les plus pauvres sont mis en concurrence impitoyablement, où l’inégalité dans l’accès aux soins, à l’éducation, à la sécurité est flagrante, ce qui crève les yeux c’est l’inaptitude du capitalisme à satisfaire les besoins d’une société moderne.
Cette inaptitude, il fallait la dénoncer, et surtout montrer que d’autres choix et d’autres logiques sont possibles et nécessaires.
Alerter sur les dangers bien réels que Trump et son équipe font courir aux femmes, aux minorités, à la paix et aux libertés fondamentales, c’était absolument nécessaire et les Démocrates l’ont fait : mais cela ne saurait suffire face à des populations confrontées au dur de la vie.
Le vote démocrate est de moins en moins un vote populaire. Il est fort dans les milieux urbains éduqués, beaucoup moins dans les quartiers populaires.
Sommes nous si loin de cette situation en France ?
Il y a quelques années, certains idéologues de la social-démocratie proposaient à la gauche d’abandonner définitivement le monde ouvrier à l’extrême-droite et de se concentrer sur les classes moyennes et supérieures, supposées indifférentes aux questions sociales et préoccupées essentiellement du sociétal, du symbolique et du virtuel.
Une partie de la gauche a succombé à cette tentation. Faut-il s’étonner des conséquences ?
Impuissant à résoudre sa crise structurelle, le capital s’enfonce dans des choix de plus en plus nocifs pour la société, en sacrifiant l’industrie à la finance, l’emploi à l’assistanat, la paix au militarisme.
Ne pas vouloir regarder ces réalités en face, c’est la défaite assurée. Et pas seulement aux Etats-Unis!
Jean-Michel GALANO Philosophe et membre du PCF
La Maison Blanche à Washington |
TRUMP ELU: LE DANGER DES CONCLUSIONS HATIVES
La victoire du milliardaire américain ne serait que la défaite des Démocrates, trop mous, trop modérés. D’aucuns affirment qu’avec une gauche « radicale », le résultat aurait été différent. Facile et confortable pensée.
Donald Trump l’a emporté sur Kamala Harris. Sa victoire n’atterre pas que les démocrates américains. On sait en effet qu’il n’est qu’une pièce d’un vaste mouvement planétaire qui, fasciste, quasi-fasciste ou fascistoïde, entend tourner définitivement la page d’une histoire démocratique qu’avaient inaugurée le siècle des Lumières et l’ère des révolutions.
Comment arrêter la machine infernale ?
À gauche, deux pistes antagoniques nous sont proposées : atténuer la charge subversive de l’égalité pour gagner les indécis ou, au contraire, affirmer la nécessité de ruptures radicales pour répondre au ressentiment des laissés-pour-compte de nos sociétés.
La première réponse est à repousser : dès l’instant où des logiques dominantes d’exploitation, de domination et d’aliénation sont à la racine de nos maux, rien n’est plus réaliste que de les dépasser radicalement.
Le problème est que l’invocation de la radicalité ne suffit pas. Au fond, si les capitulations libérales de la social-démocratie ont nourri les désillusions et les ressentiments populaires, les gauches d’alternative n’ont nulle part fait durablement la démonstration de leur utilité.
Pour éloigner les propensions destructrices, il n’y a certes pas d’autre solution que d’adosser la colère à une espérance collective qui l’écarte du ressentiment. Dans des sociétés qui semblent aujourd’hui sans passé et sans futur, les combats humanistes ont donc besoin de s’appuyer sur un autre avenir possible, qui donne à la critique salutaire l’horizon d’une proposition globale.
Cette proposition peut utilement prendre la force d’un programme. Toutefois, au moment où plus grand monde ne croit aux promesses et aux programmes, le catalogue des propositions ne mobilisera pas sans le souffle d’une vision d’ensemble, d’un grand récit qui redonne du sens là où il n’y en a plus.
À quoi bon toutefois un récit si, dans une société disloquée socialement, politiquement et symboliquement, on ne sait pas comment passer d’un puzzle inquiet de différences et d’antagonismes à une société apaisée et rassemblée ?
Affirmer de la radicalité est donc nécessaire, pour dire comment s’y prendre pour traiter des maux sociaux à leur racine. Ce n’est socialement utile que si cette radicalité dit en même temps comment on peut faire que l’aspiration à la rupture franche devienne le vecteur de larges majorités.
Des propositions, un projet, une stratégie de long terme… En bref, il faut opposer aux extrêmes droites une gauche bien à gauche et pas une gauche en demi-teintes.
Elle ne se constituera pas si n’existe pas en son sein une gauche d’alternative. À condition que celle-ci n’oublie jamais qu’elle n’est pas à elle seule le sel de la terre et qu’une alternative ne vaut que si elle parvient in fine à s’adosser à une majorité.
Une gauche d’alternative et une gauche rassemblée. Tout est dans le « et ».
Roger Martelli, historien (ancien membre du PCF)