LA SÉCU, PAS QUESTION NI LE DROIT DE LA QUITTER
Mercredi, 4 Juillet, 2018Après avoir supprimé la part salariale des cotisations maladies, le gouvernement va-t-il céder au lobby des patrons et indépendants qui veulent quitter la sécu et la sortir de la Constitution? Le point de vue du droit.
A l'heure des 70 ans de la Sécu qui garantit une couverture maladie pour tous, continuent de circuler des informations, des mails, des SMS du genre : la Sécu je la quitte, l’affiliation à la sécurité sociale n’est pas obligatoire, on peut la quitter si on trouve une meilleure assurance sociale en Europe. Ca ne date pas d'aujourd'hui mais ça continue à l'heure où le gouvernement envisage de sortir la Sécu de la Constitution. Le truc : transformer les assurés sociaux en clients et bien le bonjour à la solidarité nationale.
"La sociale", histoire d'une conquête malmenée
Alors que "La Sociale" est en salle depuis le 9 novembre, son réalisateur Gilles Perret insiste sur l'importance de raconter l'histoire oubliée de la Sécurité Sociale, de rendre hommage à son "vrai" fondateur Ambroise Croizat et de réhabiliter cette institution efficace et progressiste.
Explication juridique : la loi, c’est-à-dire l’article L111-1 de la sécurité sociale et la Constitution de 1946, dit bien que toute personne qui travaille et réside en France est obligatoirement affiliée au régime général de sécurité sociale pour les salariés et les régimes propres aux non-salariés comme le régime des indépendants ou la MSA. A cet effet, elle est soumise à cotisations obligatoires.
Ceux qui prétendent le contraire sont passibles d’une peine de 6 mois de prison et d’une amende de 15 000 euros. Ils s'appuient sur une interpétation de l'arrêt C59-12 du 3 octobre 2013 de la Cour de justice européenne http://curia.europa.eu qui ne concerne même pas la Sécu mais une assurance privée allemande. Celle-ci s'est faite épinglée pour ses pratiques commerciales déloyales vis à vis des consommateurs. Or d'après cet arrêt de la Cour de justice européenne ces pratiques déloyales s'appliquent aussi aux caisses maladie du régime légal.
Cependant, cet arrêt est démenti par de nombreux autres, par les directives européennes qui laissent libre cours aux législations nationaleshttp://www.securite-sociale.fr/La-legislation-francaise et surtout par le fait que la sécurité sociale n’est pas une entreprise commerciale exerçant des règles économiques au sens des règles européennes de la concurrence. Elle a une fonction uniquement sociale et non commerciale au regard du droit européen (arrêts de la Cour de justice européenne du 17 février 1993 dits Poucet et Pistre, du 16 mars 2004 et du 27 octobre 2005). Cette jurisprudence est sans ambiguïté : la Sécurité sociale, dès lors qu’elle est fondée sur la solidarité nationale et qu’elle poursuit de ce fait un objectif d’intérêt général, ne peut être regardée comme une activité économique soumise aux règles de la libre concurrence. Il s’agit d’un service d’intérêt économique général qui peut faire l’objet d’un monopole d’Etat.
Par ailleurs et de ce fait, la sécurité sociale n’est pas une assurance disons individuelle de personnes au sens de la directive européenne 92/49/CEE du 18 juin 1992, encore moins une assurance privée. Cette directive exclut la sécurité sociale des directives relatives à l’assurance privée. Elle rappelle aussi que chaque état membre de l’Union européenne est libre d’organiser la législation de son système de sécurité sociale.
L'entretien avec Gilles Perret, réalisateur de La Sociale sortie en salle de cinéma, à l'occasion des 70 ans de la Sécu, que vous pouvez revoir ci-dessous, rappelle que notre système de sécurité sociale est fondé sur le principe de la solidarité nationale qui garantit à tous l’assurance maladie, maternité, accident mais aussi l’assurance vieillesse. Même les « pauvres » y ont accès grâce à la CMU. Ce qui est loin d’être le cas des assurances privées basées sur une tarification individuelle et difficilement accessibles à tous.
Un dernier mot. Ce principe de solidarité nationale est quelque peu écorné (sous couvert d’une bonne cause : l’emploi) par les allègements de charges sociales patronales. Celles-ci ont tendance à se multiplier depuis les années 1990 et coûtent cher non pas à la Sécu mais à l’Etat qui compense (20 milliards d’euros quand même - voir graphique et lien suivant aides-allegements-fiscaux-toujours-plus-pour-les-entreprises
Du coup les entreprises ne cessent d’en réclamer davantage prétextant que les cotisations sociales nuisent à leur compétitivité !
A consulter :
- l’obligation d’affiliation http://www.securite-sociale.fr/La-legislation-francaise-ne-permet-pas-de-quitter-la-Securite-sociale
- vos remboursements http://www.ameli.fr/assures/soins-et-remboursements/combien-serez-vous-rembourse
- « L’assurance maladie n’est pas une vieille branche… Parlons de son avenir » 40 associations font des propositions pour la Sécu sur http://leciss.org/sites/default/files/70ans-Secu_Note-CISS.pdf
La référence à la sécurité sociale rayée de la Constitution ?
Ajoutée le 6 juil. 2018
Par un amendement d'un député LREM, la majorité présidentielle va-t-elle rayer de la Constitution toutes références à la sécurité sociale à l'occasion de la réforme constitutionnelle ? Interpellé par Eliane Assassi, le Premier ministre Edouard Philippe ne dément pas.
L’affiliation obligatoire à la sécurité sociale repose sur deux conditions : travailler et résider en France.
Sont considérés comme résidant en France, les personnes qui y ont leur foyer ou leur lieu de séjour principal plus de 6 mois par an (article R115-6 du code de la sécurité sociale).
Donc à partir du moment où cette condition est remplie, l’affiliation et la cotisation à la sécurité sociale est obligatoire pour les Français comme les étrangers. Sont particulièrement concernées par l’obligation de résidence, les prestations suivantes :
- les prestations en nature et en espèces des assurances maladies, maternité,
- les prestations familiales et celles de solidarité au titre de l’invalidité (allocation supplémentaire dite ASI) et de la vieillesse (ASPA),
- la CMU complémentaire.
Les autres prestations en matière d’accidents de travail, de maladies professionnelles, de pensions de vieillesse (retraite) ne relève pas de la condition de résidence mais de celle du travail en France.
A ce sujet, la législation française de sécurité sociale respecte le fait qu’un ressortissant communautaire travaillant et résidant de façon limité en France (moins de 6 mois) peut conserver l’assurance sociale de son pays.
SÉCURITÉ SOCIALE. LREM RENONCE À SUPPRIMER LA RÉFÉRENCE À LA SÉCU DANS LA CONSTITUTION
Jeudi, 5 Juillet, 2018Le Premier ministre et le chef de file des députés LREM, Richard Ferrand, ont indiqué jeudi que la référence à la "Sécurité sociale" ne serait finalement pas supprimée d'un des articles de la Constitution, face à l'émoi provoqué, et aux dizaines de milliers de signatures recueillies par la pétition lancée par l'Humanité.
Lors de l'examen du projet de loi constitutionnel en commission à l'Assemblée, un amendement d'Olivier Véran (LREM) a été accepté, mentionnant non plus "les lois de financement de la Sécurité sociale" mais de la "protection" sociale. L'objectif affiché était d'"étendre le champ de la loi de financement en l'étendant à la protection sociale", dans l'optique de couvrir un futur "risque dépendance, conformément au souhait du président de la République" et "la création d'un système universel de retraite".
Les députés PCF se sont alarmés mardi de ce vote, y voyant une confirmation de la volonté d'en finir avec "l'universalité de la protection sociale à la française". Ils ont été suivis mercredi par les députés Insoumis, qui ont aussi estimé qu'il serait "dangereux de minorer l'importance de ce changement sémantique, véritable changement de paradigme social". La CFDT, Force ouvrière et la CGT se sont également opposées à la suppression de cette référence, FO évoquant même "une faute historique" qui "constitutionnaliserait la mort de la Sécu".
La pétition lancée par l'Humanité tr pour défendre la Sécurité sociale à elle eçu des dizaines de milleirs de signature en quelques heures.
Le Premier ministre Édouard Philippe a assuré jeudi qu'"en aucune façon, il ne s'agit de mettre en cause la Sécurité sociale", après qu'un vote en commission prévoyait de remplacer le terme par celui de "protection sociale" dans la Constitution. "En aucune façon, il ne s'agit de mettre en cause la Sécurité sociale, en aucune façon", a lancé M. Philippe devant le Sénat, en s'engageant à "lever tous les malentendus, toutes les incompréhensions".
Il s'agit de "refaire la copie afin que ne subsiste pas de malentendu" alors que "l'interprétation faite ne correspond pas à l'intention du législateur", a déclaré le rapporteur général du projet de révision constitutionnelle lors d'une conférence de presse au côté des corapporteurs et porte-parole des groupes LREM et MoDem "Nous ferons en sorte que le terme "protection sociale" figure cependant", a ajouté Richard Ferrand. M. Véran a précisé jeudi devant la presse la nouvelle formulation: les lois de financement de la Sécurité sociale, "dont les missions seront étendues par des lois organiques à la protection sociale". Cela permettra de couvrir le sujet de la dépendance, a précisé ce rapporteur général de la commission des Affaires sociales, la protection sociale étant "plus large que la Sécurité sociale".
Le vote en commission a provoqué "beaucoup d'émotion pour rien", a déploré cet élu LREM de l'Isère (ex-PS), alors que la Sécurité sociale "est mentionnée à d'autres articles de la Constitution". Il a ainsi reçu des réactions virulentes sur son compte Twitter. Dans un communiqué, les députés PCF se sont félicités jeudi de l'annonce de M. Richard Ferrand mais restent "vigilants". Selon eux, "les attaques envers la Sécurité sociale se sont multipliées depuis un an et il y a tout à craindre pour son avenir au regard de ce qui a été dit sur les aides sociales ou de ce qui est annoncé sur les retraites".