Si j'étais Gazaoui...
"Vous êtes un État terroriste dans votre comportement". M. Edelstein, président de la Knesset (parlement israélien), a été fortement interpellé devant la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale ce mercredi 16 mai.
« Nous allons plus que jamais soutenir le peuple palestinien »
PIERRE STAMBUL, MEMBRE DU BUREAU NATIONAL DE L'UNION JUIVE FRANÇAISE POUR LA PAIX
MERCREDI, 16 MAI, 2018
HUMANITE.FR
Déclaration de Pierre Stambul (UJFP) suite à la manifestation pour Gaza qui a eu lieu à Marseille, hier, mardi 15 mai.
Ont appelé à ce rassemblement : BDS Marseille, Palestine 13, UJFP, FUIQP 13, Rouge Vif, LDH, CGT 13, POID 13, ICCEM, AMFP Aubagne, FSU 13, PCF 13, Mut Vitz.
Il y a exactement 70 ans, c’était la Nakba, le nettoyage ethnique, l’expulsion programmée et réalisée par la violence de la majorité du peuple palestinien de sa terre, la transformation de ce peuple en peuple de réfugiés. Depuis, on a promené les Palestiniens avec un pseudo « processus de paix » qui a essentiellement servi à permettre aux gouvernements israéliens successifs d’accélérer le rouleau compresseur colonial, d’exiger de l’occupé qu’il assure la sécurité de l’occupant et de fragmenter un peu plus la Palestine. Les dirigeants sionistes ont toujours rêvé de transformer les Palestiniens en Amérindiens du Proche-Orient, enfermés dans leurs réserves. Les Palestiniens ne demandent pas la lune : ils aspirent à la liberté (fin de l’occupation, de la colonisation et du blocus de Gaza, destruction du mur, libération des prisonniers), à l’égalité des droits et à la justice : le droit au retour des réfugiés et de leurs descendants chez eux. Le crime fondateur de cette guerre, c’est la Nakba. Le droit au retour des réfugiés est logiquement devenu la revendication emblématique. Gaza est une prison à ciel fermé, bouclée par terre, par mer et par mer. 65% de la population a moins de 25 ans et n’est jamais sorti de cette cage de 40 Km sur 10. Je suis juif. Mon père a été déporté et ma famille maternelle exterminée. Gaza n’est pas un camp d’extermination, mais c’est incontestablement un camp de concentration. L’occupant tire impunément sur une population désarmée qui s’approche des grilles de ce camp. N’écoutez pas les balivernes sur le Hamas qui manipulerait Gaza : c’est toute la société civile qui manifeste son refus d’être en cage et son aspiration au retour. Il y a 70 ans, les sionistes proclamaient la création d'un État juif dont tous les textes, dès le départ, ont été discriminatoires contre les non-juifs : discrimination au travail, au logement et à la possession de la terre pour la petite minorité qui a échappé à l’expulsion. Et pour les expulsés, confiscation de la terre, destruction de plusieurs centaines de villages palestiniens dont les traces ont été effacées et violation flagrante de la résolution 194 de l’ONU sur le retour de ces réfugiés. Dès sa fondation, Israël s’est comporté en Etat voyou impuni. 70 ans plus tard, il était logique qu’Israël ait un gouvernement fascisant du même type que ce que la France aurait eu si l’OAS avait gagné la guerre d’Algérie. Les mots qui caractérisent Israël sont racisme et apartheid. Les criminels Nétanyahou, Lieberman, Bennet, Shaked se croient invulnérables parce qu’un soudard, Donald Trump, est au pouvoir à Washington et a transféré son ambassade à Jérusalem. Ces criminels ont annoncé qu’ils allaient faire un bain de sang à Gaza et ils l’ont fait : 59 morts hier, près de 150 depuis le 30 mars. Ils ont tiré sans vergogne sur des manifestants désarmés. L’utilisation systématique d’armes terribles transforme les blessés qui ont survécu en estropiés à vie. Ils croient que le rapport de force leur permet tout. Nous allons leur montrer le contraire. Avec la rage et la colère contre ces criminels impunis, nous allons plus que jamais soutenir le peuple palestinien parce que ce qui se joue là-bas, c’est l’avenir de l’humanité. L’État d’Israël est devenu un laboratoire de l’enfermement et de la surveillance des populations jugées dangereuses. Des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité viennent d’être commis. Ils étaient annoncés à l’avance et aucun grand de ce monde n’a essayé de les empêcher. La communauté internationale accepte qu'il n'y ait pas d'enquête indépendante. Nous exigerons sans relâche que les responsables de ces crimes soient jugés et condamnés. Nous allons généraliser le BDS (boycott, désinvestissement, sanctions) contre l’État d’Israël tant qu’il ne se conformera pas au droit international. Nous allons porter notre effort contre les complices du crime en cours : les différents gouvernements français appuient le gouvernement israélien, coopèrent avec lui y compris sur le plan militaire, et essaient de criminaliser le BDS. C’est à nous, société civile, de les obliger à cesser cette complicité et à sanctionner Israël. Nous devons aussi dénoncer les alliés de Nétanyahou. Trump bien sûr qui met le feu à la planète mais aussi les dirigeants de pays arabes (Arabie Saoudite, Égypte) dont le comportement est un coup de poignard dans le dos des Palestiniens. Parce que je suis juif, je terminerai en m’adressant aux Juifs de France : vous craignez une montée de l’antisémitisme ? Rompez clairement avec une politique israélienne qui n’est pas seulement criminelle contre les Palestiniens. Elle nous met sciemment en danger et est suicidaire. Renouez avec la longue tradition juive qui a considéré que la lutte pour notre émancipation passait par l’émancipation de toute l’humanité. Il n’y a pas d’alternative au « vivre ensemble dans l’égalité des droits ».
Proche-orient. Trump et Netanyahou, dangereuse association de pyromanes
Alors que Washington justifie le massacre de lundi, à Gaza, par le droit d’Israël à « se défendre », des voix s’élèvent dans le monde pour condamner la sanglante agression de manifestants palestiniens pacifiques. La France et l’UE doivent sortir de leur passivité.
L’inauguration de la représentation des États-Unis à Jérusalem, qui viole tous les accords internationaux, a donné lieu à un nouveau carnage de la part des soldats israéliens à la frontière de Gaza. On compte des dizaines de morts.
Les deux hommes sont des habitués des coups de force contre la communauté internationale. Donald Trump et Benyamin Netanyahou ont fait célébrer en grande pompe, hier, l’inauguration de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem. En dépit des accords survenus sous l’égide de l’ONU à la fin de la guerre des Six-Jours, en juin 1967, ils entendent ainsi enterrer tout espoir de solution véritable, avec Jérusalem-Est comme capitale d’un État palestinien.
Face à « cette gifle », selon l’expression de Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, des milliers de Palestiniens ont manifesté leur colère aux frontières des territoires occupés. Au nord de la bande de Gaza, l’armée israélienne n’a pas hésité à poursuivre le carnage entamé ces dernières semaines contre des manifestants généralement désarmés, venus depuis fin mars hurler leurs souffrances de vivre dans cette prison à ciel ouvert. Une cinquantaine de morts ont été ainsi ajoutés à la déjà trop longue liste des victimes, doublant quasiment en une seule journée leur nombre total. Sans compter ces centaines blessés, souvent avec armes de gros calibres, qui vont devoir endurer les pires séquelles.
Des pacifistes israéliens se sont associés aux manifestations
Le président états-unien, qui avait annoncé sa décision de déménager l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem dès son entrée en fonction, en 2017, a fait accélérer la manœuvre pour que l’événement coïncide symboliquement avec le 70e anniversaire de la naissance d’Israël. Quitte à user de locaux consulaires anciens plutôt exigus et pas franchement préparés à ce nouveau mode d’emploi. Mais, quelques jours seulement après que le locataire de la Maison-Blanche est sorti de l’accord sur le nucléaire iranien, il a voulu signifier, en comblant toutes les attentes de son compère israélien, sa détermination à légitimer leur doctrine de la force comme unique moyen de résoudre les problèmes du Moyen-Orient.
Les officiels israéliens justifiaient le massacre, comme le fit hier matin par anticipation l’ambassadrice d’Israël en France, Aliza Bin-Noun. Devant le micro complaisant d’une radio française, elle a martelé la nécessité de « combattre le Hamas » (aux commandes à Gaza), en arguant que Paris l’avait « placé lui-même sur sa liste des organisations terroristes ». « Comme si l’organisation islamiste ne constituait pas la pure expression politique du désespoir des Palestiniens », dénonçaient hier en substance ces pacifistes et autres militants israéliens des droits de l’homme qui ont eu le courage de s’associer aux manifestations de protestation. L’organisation Gush Shalom (la Paix maintenant) déplorait ainsi, à juste titre, « le show messianique de Trump et Netanyahou », qui pourrait « mettre le feu à la ville de Jérusalem ».
Les nationalistes israéliens entendent empêcher à tout prix l’émergence d’une solution à deux États. Le terme « Jérusalem, capitale indivisible et éternelle d’Israël », maintes fois répétés hier par les orateurs venus inaugurer la nouvelle représentation de Washington, renvoie à un autre élément de langage utilisé par les nationalistes israéliens : « Eretz Israël », la terre promise. Soit la « Judée-Samarie » – traduisez la Cisjordanie des territoires occupés palestiniens – englobée dans le périmètre d’un grand Israël auquel œuvrent de front les colons et cette extrême droite locale qui a, de fait, investi le pouvoir israélien.
Tout au déploiement de sa « stratégie du deal » pour chambouler l’ordre politique et économique mondial au profit des États-Unis, Donald Trump passe aux travaux pratiques en torpillant les efforts déployés depuis des années par l’ONU et la communauté internationale. En agissant, pour la Palestine, comme il l’a fait en se retirant de l’accord sur le nucléaire iranien. À ce niveau, l’irresponsabilité n’est plus une tare diplomatique, elle devient une partie de la doctrine.
Parmi les représentants de Washington présents hier à l’inauguration de l’ambassade, le secrétaire au trésor, Steven Mnuchin, comme le gendre de Trump, Jared Kushner, et sa fille Ivanka ne semblent pas moins agités par une exaltation, aux relents métaphysiques, religieuse que ne le sont leurs amis israéliens. Les « évangéliques », très nombreux aux États-Unis et très présents dans l’électorat de Trump, sont persuadés que la restauration de l’Israël d’il y a 2 500 ans constituerait l’annonce d’un retour imminent du messie. Plus grave, le vice-président Mike Pence est un des ardents promoteurs de cette foi évangéliste. Pas moins de 81 % de ses adeptes ont soutenu Trump lors de la présidentielle de 2016.
L’Autorité palestinienne, qui dénonçait hier « le bain de sang israélien à Gaza », lançait au même moment un appel urgent à la communauté internationale pour qu’elle fasse cesser l’escalade engagée par Trump et Netanyahou. Si les deux acolytes entendent faire bouger les lignes sur les dossiers du Proche et du Moyen-Orient, ils n’avaient convaincu que deux États, le Guatemala et le Paraguay, à déménager à leur tour leur ambassade à Jérusalem. Une bien maigre moisson, puisque ces deux pays affichent, de longue date, une proximité si ce n’est une tradition à se soumettre aux desiderata de Washington.
Significativement, les seuls pays de l’Union européenne à avoir accepté de participer hier aux agapes de la nouvelle ambassade sont ceux où les nationalistes et l’extrême droite sont au pouvoir ou participent aux affaires, comme la Hongrie, l’Autriche, la République tchèque ou la Roumanie. Les autres ont boudé, comme la France et l’Allemagne, l’invitation envoyée par le premier ministre israélien. Mais il faudra bien davantage que ces signes de Paris et de Berlin ou leurs appels « à la retenue » pour contenir l’offensive du couple Trump-Netanyahou et empêcher la poursuite d’une fuite en avant qui pourrait mettre le feu à toute la région, voire bien au-delà, compte tenu des alliances militaires des uns et des autres, notamment en Syrie.
Le nationalisme des Trump et Netanyahou : une destabilisation de l’ordre mondial
La stratégie des deux docteurs Folamour n’est pas sans alimenter des contradictions, voire des craquements au sein de leur propre camp. Alors que le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salman, confirmait sa soumission à Washington en se détournant de plus en plus des Palestiniens, qu’il accuse de « se plaindre » tout en étant incapable de s’asseoir « à la table de négociations », le président turc, Recep Tayyip Erdogan, fait mine, lui, d’endosser résolument les habits du défenseur de la cause palestinienne. Soucieux de prendre un certain leadership dans le monde arabo-musulman, il s’est fait très virulent hier en déclarant que les États-Unis avaient perdu « leur rôle de médiateur » dans la région et qu’ils portaient « une grande part de responsabilité dans le massacre de Gaza ».
Le nationalisme des Trump et Netanyahou crée ainsi des tensions avec l’homme fort d’Ankara, qui joue lui-même de la fibre nationaliste en s’appuyant ouvertement sur la nostalgie de la puissance ottomane au Moyen-Orient. Seulement, Erdogan est aussi à la tête d’un pays qui constitue l’un des principaux piliers de l’Otan dans la région. À force de vouloir déstabiliser l’ordre mondial, on en vient à renforcer tous les apprentis sorciers. Même ceux figurant a priori dans son propre camp.