Retraites agricoles. La loi Chassaigne attendue dans les campagnes
Les faibles pensions des retraités agricoles obligent nombre d’entre eux à poursuivre une activité. Maurice Subervie/Onlyfrance.fr
Posant le principe d’une pension de retraite à 85 % du Smic au lieu de 75 % actuellement, la proposition de loi défendue par le député PCF du Puy-de-Dôme répond à de réelles aspirations du monde paysan.
Michel Billière a fait valoir ses droits à la retraite depuis dix ans. Pourtant, cet agriculteur qui cultivait du tabac blond, de la vigne et du maïs dans son exploitation du Gers a encore passé tout l’hiver à tailler les vignes. Celles des autres. Avec moins de 800 euros de pension mensuelle, le retraité se loue comme ouvrier agricole dans les fermes voisines. « Je fais les semis, les travaux viticoles et les moissons… mais je suis moins leste qu’il y a dix ans », explique-t-il. Des loisirs ? Michel Billière en a peu. « La chasse, la pêche. Le dernier voyage que j’ai fait, c’est ma fille qui me l’a payé. » D’ailleurs, sans ces boulots saisonniers qu’il effectue autour de chez lui, ce « retraité-mais-pas-tout-à-fait » confie qu’il ne pourrait pas s’offrir ces quelques distractions. « Je suis très en colère », avoue-t-il. Alors, quand il a appris que sa retraite pourrait passer à 85 % du Smic grâce à une proposition de loi du député communiste André Chassaigne, Michel Billière s’est dit qu’il pourrait peut-être « poser un peu le sécateur ».
Un texte adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale
Un texte qui pourrait bien changer la situation de 85 000 retraités agricoles, qui verraient leur pension de retraite passer à 85 % du Smic au 1er janvier 2018 avec effet rétroactif, si le texte de loi est voté en l’état le 7 mars prochain au Sénat. Dernière étape de son processus parlementaire, puisque ce texte a été voté à l’unanimité lors de la niche des députés de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) à l’Assemblée nationale le 2 février 2017, puis par la majorité de la commission des Affaires sociales du Sénat le 22 février dernier. Même les pensions des salariés agricoles de l’outre-mer pourront bénéficier de revalorisations, au regard de leur extrême faiblesse et des inégalités de traitement. Le dispositif leur octroie le bénéficie d’attribution de points complémentaires et l’extension du bénéfice du régime complémentaire.
« C’est une bonne chose que le Parti communiste ait pris en main cette question des retraites agricoles avec cette proposition de loi », estime Roger Tréneule, producteur de tabac à la retraite en Dordogne et secrétaire général de l’Association nationale des retraités agricoles de France (Anraf). C’est que, depuis que la profession agricole (avec les autres indépendants) a refusé de rejoindre le régime général en 1945, les pensions sont restées inférieures à celles des autres salariés. Et ce sont les paysans qui touchent les plus faibles : 700 euros par mois en moyenne, selon l’Anraf, avec une nette différence pour celles des femmes, qui ne touchent en moyenne que 570 euros par mois. Cette pension se situe bien en dessous du seuil de pauvreté (1 008 euros) et contraint les retraités de l’agriculture à se priver et à poursuivre une activité quand ils le peuvent pour arrondir les fins de mois. Une situation de détresse validée un brin cyniquement par les pouvoirs publics, puisque les anciens paysans ont l’autorisation de continuer à cultiver une « surface de subsistance » après leur retraite. Adaptée en fonction des régions et des cultures, celle-ci excède rarement 4 hectares. « On a aussi des chefs d’exploitation qui repoussent leur départ en retraite. Ça peut retarder l’installation de jeunes et les décourager », estime Roger Tréneule. Pierre Esquerré, ancien vigneron et président de l’Anraf, ajoute que, pour les retraités qui deviennent dépendants, « c’est quasiment impossible de rentrer en maison de retraite ». Et d’évoquer l’écart entre les 2 000 euros mensuels dont il faut s’acquitter pour y séjourner et les 700 euros de moyenne des pensionnés.
Un financement qui garantit l’équilibre du régime agricole
Une situation qui révoltait périodiquement mais de façon symbolique la droite et une partie de la gauche… sans que jamais les majorités au pouvoir s’y attaquent. « Il faut du courage politique pour mettre en œuvre un financement nouveau », précise André Chassaigne. De fait, la proposition de loi prévoit de surtaxer les transactions financières en augmentant la taxe déjà en place de 0,1 %. De quoi dégager les 266 millions d’euros nécessaires à la mesure. Et même de combler le déficit du régime agricole de 200 millions d’euros !